QUAND TU SERAS GRAND
Critique du film
Après le lumineux et pourtant déchirant Les chatouilles, qui leur valu le César de la meilleure adaptation, Andréa Bescond et Eric Metayer ont mis en route, à la sortie de la crise Covid, leur second long-métrage, Quand tu seras grand. Après avoir mis en lumière l’emprise des prédateurs sexuels sur leurs victimes, le couple d’artistes s’est penché sur deux maillons négligés de la société : la jeunesse et la vieillesse. Ceux qui constituent deux parties de la vie qu’on a trop souvent tendance à ignorer. Ceux qui remplissent les EHPAD et sont parfois maltraités par négligence (baisse des coûts, sous-effectifs, désintérêt de leurs proches…), ceux-là même dont on oublierait trop promptement qu’ils ont toute une vie de souvenirs, qu’ils ont eu une famille, un métier, une histoire, et que l’on se contente de laisser végéter dans leur chambre, loin des regards. Puis, il y a les plus jeunes. Ceux qui feront avancer le monde de demain. Ceux qui représentent l’avenir et pour lesquels les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de se désengager, réduisant mandat après mandat les budgets nationaux et municipaux, les moyens humains et matériels.
C’est donc une rencontre intergénérationnelle qui s’organise, par la force des choses, dans Quand tu seras grand. Parce que leur cantine n’est plus accessible à cause d’un dégât des eaux, la mairie enjoint les animateurs du périscolaire à faire déjeuner les élèves de l’école avoisinante au coeur du réfectoire de l’Ehpad. La pièce est ainsi coupée en deux, avec d’un côté les tables des séniors et de l’autre celles des enfants qui viennent se restaurer et redonnent vie à ces lieux où le temps semble s’être suspendu. Yannick (Vincent Macaigne), l’un des aide-soignants, ne voit pas leur arrivée d’un bon oeil et tente d’organiser la résistance, faisant circuler une pétition. De son côté, Aude (Aïssa Maïga) fait de mauvaise fortune bon gré et lui tient tête, ne manquant pas de lui rappeler qu’il n’est pas le seul à subir cette situation singulière et un peu absurde.
Avec Quand tu seras grand, Andréa Bescond et Eric Métayer signent une comédie qui place l’humain au coeur de ses enjeux dramatiques. Ils donnent à voir cette vieillesse dont on détourne souvent le regard, mais évoquent aussi cette enfance qui est souvent la grande oubliée. Ils n’en oublient pas pour autant les adultes, ces actifs qui font tourner cette société tant bien que mal, sacrifiant parfois leur vie privée pour accomplir leur mission. Il y est bien sûr question des soignants, sous l’eau, dans des conditions de travail difficile, pour qui il devient, année après année, de plus en plus difficile de prodiguer des soins correctement et de consacrer le temps nécessaire à chaque pensionnaire. Ces derniers, majoritairement laissés à leur solitude, sans visite, voient ainsi d’un bon oeil ces moments partagés avec les enfants, comme un remède revigorant à la monotonie de leur quotidien. Une amitié commence même à se tisser entre un jeune retraité, Yvon, et un pré-adolescent, Brieuc, négligé par ses parents et qui trouve enfin un regard bienveillant et une oreille attentive.
Comment traite-t-on nos aînés et nos enfants ? C’est à cette question que le second long métrage du couple Bescond – Métayer tente de répondre avec l’humanité, l’engagement sincère et la sensibilité qui les caractérisent. Si leur deuxième excursion cinématographique n’atteint pas la puissance des Chatouilles, du fait de certaines situations attendues, de quelques personnages un brin stéréotypés ou d’une résolution diluée dans une narration qui s’égare entre lyrisme et drame, il ressort de ce long métrage une véritable tendresse qui ne peut qu’inviter à repenser nos modes de vie et la considération accordée à ceux qui sont dépendants, à l’aube ou au crépuscule de leur existence.
Bande-annonce
26 avril 2023 – D’Andréa Bescond, Eric Métayer, avec Vincent Macaigne, Aïssa Maïga, Marie Gillain
