RADIOACTIVE
Critique du film
Alors que les biopics sur les femmes de l’Histoire se multiplient à l’écran, qu’elles soient écrivaines – Virginia Woolf dans Vita et Virginia, ou politiques dans Marie Stuart, Reine d’Ecosse, Marjane Satrapi choisit d’adapter l’extraordinaire parcours de Marie Curie dans Radioactive. Première femme scientifique à recevoir deux prix Nobel, Marie Curie s’est illustrée par ses recherches sur la radioactivité et a profondément transformer le domaine de la science.
S’affranchissant des conventions du genre, Marjane Satrapi adopte un ton volontiers sensationnel et évite la simple biographie. Radioactive se construit autour de différents instants de la vie de Marie Curie. De sa rencontre avec Pierre Curie et leur brillante collaboration à son prix Nobel, en passant par son affaire avec Paul Langevin, le film centre son récit sur la vie intime de son héroïne, et laisse de côté ses avancées scientifiques. Hélas, un tel parti pris balaye d’un revers le parcours extraordinaire de Marie Curie au profit d’une dramatisation outrancière. La faute à une mise en scène douteuse qui amoindrit toute la considération que l’on porte d’ordinaire à de tels personnages. Ainsi, l’accident de Pierre Curie, filmé d’une manière aussi violente et voyeuriste, multipliant les points de vues pour percevoir au mieux l’impact, apparaît ici comme profondément irrespectueux.
Marie Curie demeure une femme d’exception, portée par Rosamund Pike, qui insuffle à son personnage une détermination infaillible. Pourtant, sa personnalité semble artificielle, articulée autour d’une auto-persuasion de son propre génie. Le film ne prouve que rarement son point, oubliant les faits scientifiques pour les scènes de coucheries et de détresse émotionnelle. Pire encore, le film ne cesse d’établir de curieux parallèles dans de grossiers flashbacks, représentant dans de longues séquences complaisantes les catastrophes nucléaires qui ont résultés de ces découvertes. Au-delà de la qualité discutable des effets spéciaux, il découle d’un tel parallèle un propos ambigu : à celle qui répète sans cesse espérer changer le monde on répond, presque accusateur, que celle-ci brisera des milliers de vies. Pas sûr qu’aborder le destin d’une des (trop) rares femmes scientifiques de l’Histoire à travers un regard culpabilisateur soit une idée particulièrement pertinente. C’est au mieux maladroit, au pire malsain.
Après une première partie plutôt prometteuse qui laissait entrevoir une représentation intéressante du couple comme force de travail, Radioactive bascule dans une complaisance ridicule, transformant l’extraordinaire du réel en une banalité affligeante.
Bande-Annonce
11 mars 2020 – De Marjane Satrapi, avec Rosamund Pike, Anya Taylor-Joy, Sam Riley…