Retour à séoul

RETOUR À SEOUL

Sur un coup de tête, Freddie, 25 ans, retourne pour la première fois en Corée du Sud, où elle est née. La jeune femme se lance avec fougue à la recherche de ses origines dans ce pays qui lui est étranger, faisant basculer sa vie dans des directions nouvelles et inattendues.

Critique du film

Davy Chou fait partie de ces réalisateurs qui gravissent pas à pas les échelons des festivals, du forum de la Berlinale en 2012 pour Le sommeil d’or, son premier film documentaire, puis par la section court de la Quinzaine des réalisateurs en 2014, pour être ensuite en compétition avec Diamond Island à la Semaine de la critique en 2016. Son troisième long-métrage, Retour à Séoul, intègre l’antichambre de la compétition officielle, la sélection Un certain regard pour cette année 2022. Réalisateur appliqué et travailleur, le franco-cambodgien est aussi un producteur reconnu, notamment pour son apport à Onoda d’Arthur Harari, couronné d’un César de meilleur scénario original, ou pour White Building de Kavich Neang sorti sur les écrans français en décembre 2021.

Les premières images et l’affiche de Retour à Séoul sont parmi les plus belles issues de cette édition du festival de Cannes. Le regard mystérieux et ténébreux de Park Jimin est un appel à la découverte de cette histoire chargée de traumatismes sur la quête de l’identité. L’adoption internationale en Corée du sud est un sujet majeur : plus de 200 000 enfants coréens furent adoptés des années 1970 au début des années 2000, se dispersant sur tout l’Occident, et notamment la France. Freddie est l’une de ces « adoptées », ne parlant pas le coréen et n’ayant jusque là jamais recherché ses origines. Son arrivée dans son pays natal est décrit comme un hasard, son billet pour le Japon se trouvant annulé à la dernière minute la mettant au pied du mur.

Retour à Séoul

Davy Chou choisit de chapitrer son récit par tranches temporelles sur une durée d’une dizaine d’années. Au début de cette histoire, Freddie est une page blanche, sans aucune motivation ou désir, sauf celui de « tout » voir, sans se douter du chemin sur lequel elle a mit les pieds. Sous les conseils de Tena, rencontrée par hasard dans une guest house, elle va dans une succursale de la Hammond, l’agence d’adoption où se trouve son dossier où figure les noms et adresses de ses parents biologiques. Le seul moyen de rentrer en contact avec eux est de demander à la Hammond d’envoyer un télégramme pour les prévenir que leur fille souhaite les rencontrer. Le père accepte immédiatement, la mère fait la sourde oreille.

Cette première rencontre avec la famille paternelle est un choc culturel gigantesque, il atteste de l’écart qui existe entre la société coréenne et la société française, jusque dans la manière de réagir et de se comporter d’un homme qui semble détruit par le poids de ses choix passés qui ont laissé une ombre indélébile sur toute la famille. On retrouve également cet art de la table, tout passe par des scènes de repas où l’on mange et surtout boit énormément. C’est aussi dans ce premier temps que s’affirme le caractère imprévisible et rebelle de Freddie qui est totalement insaisissable, tantôt gaie et effervescente, tantôt agressive et refermée sur elle-même. Elle est en constant rebond contre ce qu’on veut lui assigner, identité, mode de vie, chemin à suivre. La moindre connexion affective n’est qu’éphémère, Freddie rejète à tour de bras parents, biologiques ou d’adoption, mais aussi amis et amants.

Les étapes suivantes sont les témoins de cette évolution chaotique, petits sauts de puce entre la France et la Corée. Elles sont ponctuées de relations amoureuses en apparence stables puis retournées en quelques secondes comme on renverse une table pour tout recommencer à zéro. Peu de personnages résistent dans le sillage de Freddie, les amis et amants sont loin pour ne laisser place qu’à la périphérie, comme le personnage de Louis-do de Lencqueseing, rendez-vous Tinder qui finit par être un des rares éléments de stabilité à cause de son caractère professionnel.

Davy Chou construit un personnage dur et fort qui est une parfaite illustration à la fois de ce que c’est qu’être un de ses enfants adoptés, mais aussi de l’errance que représente la construction de l’identité prise au piège entre plusieurs cultures et aussi plusieurs injonctions qui peuvent s’avérer être contradictoires. Toujours électron libre, Freddie se fond dans la masse de la foule de la métropole coréenne, archétype sublime et illuminée de ces générations déracinées en quête du sens de la vie.

Bande-annonce

25 janvier 2023 – De Davy Chou, avec Park Jimin, Oh Kwangrok et Guka Han


Cannes 2022 – Un Certain Regard