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REVENGE

Clinquant et superficiel

Trois riches chefs d’entreprise quarantenaires, mariés et bons pères de famille se retrouvent pour leur partie de chasse annuelle dans une zone désertique de canyons. Un moyen pour eux d’évacuer leur stress et d’affirmer leur virilité armes à la main. Mais cette fois, l’un d’eux est venu avec sa jeune maîtresse, une lolita ultra sexy qui attise rapidement la convoitise des deux autres… Les choses dérapent… Dans l’enfer du désert, la jeune femme laissée pour morte reprend vie… Et la partie de chasse se transforme en une impitoyable chasse à l’homme…

Ken VS Barbie

Avec sa métaphore téléphonée (la femme qui reprend le pouvoir sur l’homme mais conserve sa part de féminité et ses artifices de séduction) et ses symboles à deux balles (la proie qui devient l’aigle prédateur après avoir retiré le morceau de bois phallique oppresseur de ses entrailles, la pomme croquée qui commence à pourrir…), Revenge agace par son hypocrisie. Avec une jeune réalisatrice à la barre, les espoirs étaient pourtant permis pour revisiter le genre en apportant des éléments de fond derrière la sophistication indispensable afin de tendre le majeur à la goujaterie masculine avec panache et intelligence.

En sollicitant uniquement les instincts les plus primaires et en cultivant une sorte de misandrie bécasse tout en faisant de son héroïne sexy une porte-drapeau, fusil à la main, Revenge parait contre-productif (et donc aller à l’encontre de ce que clame sa réalisatrice en promo) tandis que la superficialité de son écriture dessert complètement l’ébauche d’un réquisitoire féministe au profit d’un divertissement quelconque conçu uniquement pour flatter le cerveau reptilien. Ne cherchez pas de psychologie dans Revenge, c’est le désert.

Mâle en point

Si l’on passera volontiers sur les nombreuses couleuvres que Fargeat tente de faire avaler, on lui pardonnera moins facilement cette mise en scène poseuse esthétisant la violence, s’auto-proclamant presque héritière de Tarantino (Kill Bill) et Refn (Drive). Après un premier quart d’heure efficace où Fargeat étale son imagerie publicitaire (montage alerte, couleurs saturées, contrastes appuyés…), Revenge bascule dans la chasse à la femme puis dans la chasse à l’homme, aussi ratées l’une que l’autre, et s’étire interminablement comme pour faire durer le (dé)plaisir.

Fâcheux également de constater que l’héroïne victime devenue guerrière ne s’affranchit jamais de son état de coquille vide. La petite frivole qui se trémousse ressuscite miraculeusement en une Lara Croft vengeresse. Mais Jen ne reste qu’un pion que le scénario fait avancer pour les besoins de son itinéraire programmé. On ne saura rien de ce personnage et jamais le spectateur ne sera conduit sur le terrain pourtant incontournable de l’identification.

Matilda Lutz dans REVENGE de Coralie Fargeat
L’empathie est inexistante, mais l’antipathie aussi. Dans ce genre de productions où l’archétype est roi, il convient de façonner un bad-guy solide. Tarantino avait son Bill et a pris le soin de lui donner une aura tout en étoffant ses acolytes. Malheureusement, Fargeat ne prend pas cette peine et les trois petits cochons de son Revenge ne sont que des esquisses de personnages. Rien chez Richard le fiancé-salopard ne donne le sentiment d’avoir été un peu travaillé. Cet antagoniste principal reste désincarné, affublé de répliques insipides et/ou stupides, et n’est franchement pas aidé par l’interprétation calamiteuse du comédien. Le directeur de casting n’a certainement pas fouillé bien longtemps pour trouver le Ken qui accepterait d’exhiber son anatomie (dont son petit sexe) dans les moments cruciaux.

Un « pied-de-nez« , dites-vous ? « Pour une fois que c’est l’homme qui passe son temps à poil… » L’argument, un tantinet facile, pourrait se transformer en bonne idée si le « beau gosse » n’était pas qu’une enveloppe charnelle et que l’acteur au charisme d’huitre ne s’échinait pas à caricaturer les plus célèbres faciès de Jean-Claude Van Damme. Pire, si ce richissime primate et ses deux copains libidineux avaient un tant soit peu de consistance, cela servirait le propos au lieu de donner au spectateur la désagréable impression qu’il n’y a sur l’écran que de la chair fraîche (masculine ou féminine) destinée à être malmenée pendant près de deux heures.

Sûre en chair

Versant dans la surenchère, assez typique du genre mais devenant grotesque lorsque Madame et Monsieur se courent après dans l’appartement ensanglanté, Revenge s’amuse de ses gros plans sur la chair sanguinolente à base d’extraction de bois, de verre et autres corps étrangers enfoncés dans l’abdomen ou le pied. Et tout ce petit jeu de massacre continue de tourner à vide, cherchant seulement à susciter des réactions du public en le malmenant gratuitement ou en l’invitant à rire de la violence totalement décomplexée. Cette complaisance gerbante porte pourtant un nom : le torture-porn. Mais comme Coralie Fargeat n’est pas Eli Roth, certains y verront de l’audace, voire du génie.

Avec sa B.O. 80’s pour se donner un côté arty (c’est la mode !), Fargeat coche facticement les cases de son cahier des charges mais ne propose qu’un objet superficiel qui espère railler la société consumériste et le sexisme macho. Un regard féminin laissait espérer une proposition plus réfléchie qu’une cabale sexiste et auto-satisfaite. Pour faire la nique au patriarcat, il faut des tripes mais aussi de la cervelle. De la jubilation mais aussi un peu de fond. Une warrior qui a « du clito » et de la suite dans les idées. Au lieu de ça, Coralie Fargeat ne modifie rien des codes, n’explore aucun sentier battu, ne déplace aucun curseur (si ce n’est l’inversion des rôles chasseur-chasseuse) et se contente de livrer un revenge movie quelconque et aussi décérébré que ces protagonistes. En cela, rien de grave, c’est vrai. On aurait pu se contenter de passer à autre chose et d’oublier ce visionnage fatiguant, si et seulement si l’argument de la promotion ne reposait pas sur des arguments sociétaux désagréablement opportunistes a posteriori. Ce ne serait alors qu’un exercice de style pas complètement abouti et une série B qui s’occupe davantage de son apparence que de ce qu’elle a à raconter.




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