RÊVES EN ROSE
Jakub, facteur rêveur et magicien en herbe, jongle entre les colis et les services rendus aux villageois. Son regard croise celui de la belle gitane Jolanka. Ensemble, ils vont tenter de vivre un premier et grand amour, malgré la pression de leurs communautés respectives…
Critique du film
Premier film tchèque à parler de la communauté Rom et à lui offrir une place importante dans le récit, Rêves en rose offre une très belle variation sur l’histoire de Roméo et Juliette, transposée dans un pays et une époque où cette communauté Rom connaissait de très forts bouleversements. En effet l’état cherchait à intégrer ce peuple dans la société d’une façon pour le moins abrupte en ne tenant pas réellement compte de son mode de vie bien spécifique.
Dusan Hanak, le réalisateur de Rêves en rose avait commencé sa carrière en réalisant des documentaires. Soucieux du réalisme dans les moindres détails, désirant connaître les personnes et leur milieu avant de tourner, il a tenu à réaliser son film dans un hameau Rom, plutôt que de filmer en studios son histoire. De même, en dehors de Juraj Nvota, dans le rôle du facteur, de Iva Bittova qui joue Jolanka et de quelques autres, tous les rôles sont tenus par des non professionnels. Les Roms sont joués par des roms qui parlent leur propre langue.
Désabusé mais pas triste, Rêves en rose allie réalisme et poésie, vision lucide et onirisme. Très respectueux des différences, des traditions, le film n’est nullement raciste, contrairement à ce que prétendit un « idéologue » rom des studios. Le véritable obstacle à l’amour de Jakub et Jolanka est moins leur origine que leurs différences de caractère. Chacun a les défauts de ses qualités. Jakub se montre poète, farceur mais s’avère trop en décalage par rapport à certaines réalités. Jolanka fait montre de plus de pragmatisme et de lucidité, peut-être parce qu’elle a connu l’exclusion et une vie plus dure que son amoureux. Et elle reste victime des préjugés de son peuple : « si les tziganes ne battaient pas leurs femmes, elles penseraient qu’ils ne les aiment pas ». Ainsi pense Jolanka et la gentillesse du facteur lui apparaît comme de la faiblesse ou de l’indifférence. Rêves en rose évoque avec pudeur le sujet du délitement du couple, de l’amour qui meurt, de l’usure du quotidien.
S’il semble désenchanté, Rêves en rose comporte aussi beaucoup de traits d’humour, comme cette façon qu’a le facteur de chronométrer ses semblables en train de dégoiser pour leur annoncer ensuite le nombre de minutes de leur vie qu’ils ont gâchées et de très belles scènes, comme celle des obsèques, magnifique et où transparaît tout le respect de Dusan Hanak pour ce peuple rom. Il suggère de prendre la vie du bon côté, avec simplicité et philosophie à l’image de l’oncle du facteur, prônant le goût des choses simples et de la sincérité.
Film sur le rêve, l’amour et une certaine douceur de vivre, dénué de happy end mais léger et optimiste néanmoins, Rêves en rose est disponible en DVD collector, édité par Malavida dans une très belle restauration.
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Suppléments du DVD : Interview de Dusan Hanak (2017) / Livret de 20 pages, avec entretien avec Dusan Hanak et Dusan Dusek / photos de tournage inédites / Article de Marcel Sedo et Lettre de Bratislava par Jean-Louis Cros
