RIVIÈRE
Manon, dix-sept ans, quitte les montagnes suisses à la recherche de son père, introuvable. En formant de nouveaux liens et en découvrant son premier amour, elle est déterminée à suivre le chemin qu’elle s’est tracé sur la glace : devenir une joueuse de hockey professionnelle.
Critique du film
À travers l’histoire de Manon, l’héroïne de son premier long métrage, Hugues Hariche souhaitait représenter la difficulté à laquelle sont confrontés les adolescent.e.s pour trouver leur place et leur identité dans ce monde où tout semble accessible mais ne l’est jamais réellement. Rivière, c’est l’histoire de fuite(s) mais aussi de luttes intérieures, de combat perpétuel contre les traumas du passé et les manques du présent pour parvenir, peut-être, à trouver sa voie et un certain équilibre.
C’est au bord d’une route enneigée que l’on découvre Manon, alors qu’elle fait du stop pour rejoindre Belfort depuis la Suisse. Mineure et visiblement livrée à elle-même, elle cherche un certain Frank, dont on découvrira bientôt qu’il s’agit de son géniteur, qu’elle n’a pas vu depuis ses 3 ans. De nombreux mystères entourent l’exposition du film et il faudra recouper les indices avant de comprendre davantage ce personnage indomptable. Car peu loquace et assez orgueilleuse, Manon ne se dévoile pas beaucoup, se cachant au sens propre comme au figuré, comme cicatrice au front qu’elle dissimule sous son bonnet. Si l’on ressent bel et bien une détermination en elle, on décèle aussi une certaine colère dont on découvrira progressivement ce qui la nourrit.
Recueillie par la nouvelle compagne de son père, elle cherche ses marques dans ce nouvel environnement et se lie d’amitié avec Karine, une patineuse et jeune prodige locale dont les ambitions ont été contrariées par une vilaine blessure au genou. Manon, de son côté, dévoile des compétences inouïes sur la glace avec un niveau particulièrement prometteur en hockey, discipline qu’elle pratique depuis l’enfance, ce qui ne manque pas d’attirer l’attention du coach de l’équipe masculine. Celle qui a grandi en foyer après le décès de sa mère se donne corps et âme crosse à la main, mais sa fougue déborde souvent en une colère qui explose brutalement même face à des jeunes garçons plus gaillards qu’elle. Son nouvel entraîneur décide alors de l’aider à canaliser cette agressivité dans ce monde très masculin, conscient de son immense potentiel. Ainsi, pour la première fois de son existence, deux adultes offrent à Manon une attention et un cadre, qu’elle n’a certainement jamais eus, et tentent à leur manière de l’aider à se trouver.
Récit initiatique mêlant reconstruction et découverte de soi, Rivière raconte aussi une histoire d’amour contrariée. Manon et sa nouvelle amie Karine portent toutes deux des blessures. Apparentes, mais aussi profondément ancrées. Leurs solitudes se rejoignent un temps, presque naturellement, offrant de belles séquences où les gestes et les regards suffisent, quand les mots deviennent dérisoires face aux cicatrices. Mais il n’y a rien de romantique dans cette liaison passagère puisqu’elle réunit deux âmes meurtries, qui s’apporteront un peu d’apaisement temporaire, sans que les douleurs corporelles et émotionnelles ne soient encore guéries.
Outre la justesse d’interprétation des trois comédiennes principales (Flavie Delangle, Sarah Bramms et Camille Rutherford), la qualité majeure du film d’Hugues Hariche tient probablement dans son approche des personnages, adolescents comme adultes, qu’il ne juge jamais et qu’il dévoile dans leurs contradictions, leurs maladresses et leurs difficultés à accepter la cruelle réalité pour pouvoir aller de l’avant. Faire face à l’adversité, tomber encore et encore, mais toujours se relever pour enfin reprendre son destin en main.
Bande-annonce
30 octobre 2024 – De Hugues Hariche, avec Flavie Delangle, Sarah Bramms, Camille Rutherford