ROLLING THUNDER REVUE
La fiche
Réalisé par Martin Scorsese – Documentaire – Etats-Unis – 12 juin 2019 (Netflix) – 1h 53
La critique du film
Le documentaire sur une tranche de vie d’un artiste (voir sa vie toute entière) est un segment à part entière dans le septième art. Un travail d’enquêteur, d’abord, de journaliste (souvent), de monteur… d’artiste, en somme. Sans doute, le documentaire musical aura su prouver, au fil des essais, un certain sens unique de narration – en témoignent Cobain : Montage of Heck et ses scènes entièrement illustrées sous voix-off, ou encore le très récent Amazing Grace, comptant avec brio les deux soirées miraculeuses qu’a offert Aretha Franklin à un auditoire proche et réstreint, au sein d’une eglise du quartier de Watts à Los Angeles. Au plus près de Dieu.
Martin Scorsese, entre le tournage de son prochain long métrage entièrement produit par Netflix (The Irishman, bientôt dispo) a déjà coupé le cordon de cette collaboration, en dévoilant son nouveau docu, Rolling Thunder Revue : A Bob Dylan Story. Flashback : ce n’est pas la première fois que le cinéaste se colle au parcours du musicien, puisqu’il avait déjà sorti, en 2005, un premier film hommage fascinant et particulièrement touchant. Pourtant, en terme de documentaire, on retient d’autant plus Shine a Light, œuvre pivot pour Scorsese, qui réalisa enfin son rêve. Celui de filmer les Stones au travail, en coulisses et sur scène. Ici, l’exercice est tout autre.
Rolling Thunder Revue, donc, propose d’abord un remarquable parti pris de mise en scène. Puisqu’il ne raconte pas qu’une simple session studio autour d’un des nombreux albums de Dylan, il ne raconte pas en détails la vie personnelle de son musicien – il l’effleure en surface, juste. Non, le film nous plonge directement à l’automne 1975, au cœur d’une des tournées les plus mythiques au monde, Rolling Thunder Revue. Ce documentaire est ainsi avant tout un voyage. Direction le grand Est américain.
Sur les traces d’une époque
En filigrane de cette tournée qui dura un an, Dylan dissimula difficilement le trouble personnel qu’a été la sortie de son dernier disque de l’époque, Blood On The Tracks. « Je n’étais pas à l’aise, pas heureux. Je voulais faire quelque chose de différent », déclare t-il. Un temps de rupture, pour l’artiste, qui se sépara de sa femme Sara deux ans plus tard, en 77.
Ses quêtes de nouveauté et de rédemption (avec lui même) l’ont donc poussé, à l’issue d’une tournée des stades avec son Band (et la sortie d’un album en 76, Desire) à proposer une nouvelle formule live totalement inédite. En résulte un bidon d’essence, quelques affaires, une guitare, un chapeau à plumes, de la peinture blanche pour visage, un van chargé à bloc… Le début d’un long périple, une épopée musicale et personnelle pour Dylan, qui invita nombreux artistes à prendre la route avec lui (près de 70, entre autres Joan Baez, Joni Mitchell, Ronnie Hawkins, ou encore Leonard Cohen). Entre-coupées d’un entretien exclusif avec Dylan, Rolling Thunder Revue compose son spectacle entre fiction et réalité, entre faits avérés et imaginaire collectif, gravitant autour de l’œuvre de Robert Allen Zimmerman. Après tout, on parle bien ici d’une légende vivante.