fv_web_sambizanga_header_1920x847

SAMBIZANGA

Le film se déroule en 1961 et dépeint les débuts de la lutte pour l’indépendance en Angola. On suit un jeune couple au quotidien très heureux dont le mari, qui œuvre pour un réseau de résistance clandestin, est un jour arrêté. Sa femme part alors à sa recherche. Il s’agit du second film de Sarah Maldoror et co-écrit par son mari, leader de la résistance angolaise.

Critique du film

“Le cinéma est un outil de la révolution, une éducation politique pour transformer les consciences.” Elle avait choisi le nom Maldoror en hommage au poète surréaliste Lautréamont. Son œuvre est celle d’une combattante maniant, comme meilleure des armes, sa caméra.

Adapté et tourné au Congo en 1972, Sambizanga réalisé par Sarah Maldoror est l’adaptation d’une nouvelle de Luandino Vieira. Deuxième film de la réalisatrice après Monogambee, court-métrage déjà inspiré d’une nouvelle de Vieira, il est le récit bouleversant d’un éveil libertaire transgressant genres et générations, une pierre majeure de l’édifice artistique contribuant à l’avènement de l’indépendance de la nation angolaise alors en prise avec le pouvoir colonial portugais.

Sambizanga

Finement réfléchi en terme de rythme, Sambizanga se démarque très vite par la capacité de sa réalisatrice à retranscrire, par le simple pouvoir de l’observation à travers le prisme de sa caméra, le contraste entre deux factions.

D’un côté, la communauté et la simplicité du camp révolutionnaire du Movimento Popular de Libertação de Angola (MPLA), mêlant des figures d’enfants et de leaders passionnés mais soudés autour du personnage de Domingos, aimé de tous. De l’autre, le pouvoir portugais et l’étouffement de ses bâtiments carcéraux et de leurs infinies procédures administratives. La conscience du monde qui les entoure des uns, contraste violemment avec l’incarcération volontaire de l’oppresseur, qui se drape de complications – allégorie de la lâcheté préférant ne pas voir les autres pour éviter de se regarder soi-même.

Liant les deux, le personnage de Maria, femme incroyable de force et de détermination, devient l’égérie, par sa marche éprouvante jusqu’à la ville, de la montée croissante de la révolte populaire. Le choix de Moldoror de raconter le destin de l’emprisonné au travers du combat de sa femme est judicieux et nécessaire à plus d’un titre. Alors que la découverte de l’engagement de Domingos à l’insu de Maria pourrait symboliser son propre éveil politique, il est l’occasion pour le personnage, comme pour celle qui le met en scène, de refuser d’être cantonnée au rôle de l’être fragile se devant d’être protégée. Prenant les devants, et permettant au spectateur de cheminer à ses côtés, elle est le coeur battant du film.

Sambizanga

Réalisé durant la période même qu’il dépeint, le film se termine pourtant au moment où les militants fixent la date de l’attaque des prisons de Luanda.

Avec beaucoup d’intelligence, Moldoror démontre que l’Histoire se définit moins par ses grandes étapes que par les élans de conscience qui les précèdent et les rendent possibles. En dépeignant des moments de communion dans les heures les plus terribles, la réalisatrice apporte un regard sans violence vaine sur la nécessité de sublimer plus insoutenableexhortant à sa transformation en force d’action. La dernière scène du film, poignante autant dans sa tragédie que dans sa beauté, choisit de montrer non pas les larmes et la colère, mais au contraire la précaution et le soin.

Incroyablement inspirant et beau de part sa simplicité de mise en scène, Sambizanga est une ode à l’action collective – un geste cinématographique fort et puissant d’une grande cinéaste.


RESSORTIE LE 28 AVRIL 2023 SUR MUBI