SANS CŒUR
Été 1996, dans le petit village de Garça Torta, au cœur du Nordeste Brésilien, Tamara profite de ses dernières vacances avant d’entrer en classe préparatoire universitaire. Un jour elle entend parler d’une fille surnommée « Sans Cœur » en raison de la cicatrice qui traverse sa poitrine. Tamara va ressentir une attirance immédiate pour cette mystérieuse fille, qui va grandir tout au long de l’été.
Critique du film
En 2014, Nara Normande et Tião ont remporté le prix Illy du meilleur court-métrage à la Quinzaine des Réalisateurs pour leur fiction sur une jeune fille vivant dans un village de pêcheurs au Brésil et surnommée « Sans Cœur » en raison d’une cicatrice sur sa poitrine. Près de dix années plus tard, le duo de cinéastes brésiliens explore ce même personnage énigmatique dans un long-métrage intitulé lui aussi Sans Cœur (Sem Coração) et présenté dans la compétition Orizzonti de la 80e Mostra de Venise.
Sans Cœur nous plonge dans le dernier été de Tamara (Maya de Vicq) avant le début de ses études. C’est l’histoire d’une page qui se tourne doucement, d’une sensation de flottement qui nous envahit lorsqu’on a à la fois la vie devant soi et conscience du temps qui file à toute vitesse. C’est aussi l’histoire d’un été brûlant, d’après-midis sous les cocotiers, de la peau constamment salée et des pieds nus sur le sable. Mais le long-métrage n’est pas qu’un simple film de vacances sur la période étrange que constitue la fin de l’adolescence. C’est également l’histoire d’une rencontre entre deux êtres, entre deux univers mais aussi d’inégalités et confrontations. En effet, un jour, Tamara aperçoit une jeune fille à vélo, qui livre les poissons pêchés par son père. Dès lors, elle ressent une curiosité, puis une attirance envers celle que l’on surnomme « Sans Cœur » (Eduarda Samara).
Si cette rencontre constitue le fil rouge du récit, le long-métrage est constellé d’intrigues individuelles, faisant ainsi la photographie d’un groupe plutôt qu’un portrait intime. Les cinéastes explorent ainsi autant la joie de vivre et la langueur, caractéristiques des vacances, que l’apprentissage d’une vie qui peut être injuste et violente. Le très beau travail de la directrice de la photographie Evgenia Alexandrova permet de donner vie à ce tableau contrasté, entre un monde marin parfois onirique et des paysages tropicaux aussi enivrants que brûlants et brutaux.
Sans Cœur conserve un rythme libre, comme si le long-métrage avait pour ambition de capturer l’essence d’une atmosphère plutôt que de dérouler les chapitres d’un récit. L’alchimie entre les jeunes acteurs amateurs et leurs interprétations sensibles et intuitives participent grandement à nous donner l’impression d’assister aux souvenirs de l’été d’un groupe d’adolescents. Si l’on est bercé par le charme de ce récit sensoriel, entre douceur et âpreté, on aurait aimé que sa dimension poétique et fantastique lui permette de s’enflammer avant sa toute dernière (et très jolie) scène.
Bande-annonce
10 avril 2024 – De Nara Normande, Tião, avec Maya de Vicq, Eduarda Samara, Alaylson Emanuel