SANS UN BRUIT
Une famille tente de survivre sous la menace de mystérieuses créatures qui attaquent au moindre bruit. S’ils vous entendent, il est déjà trop tard.
Beaucoup de bruit, et pas pour rien.
La plupart des films sont plus longs et plus bruyants qu’ils n’ont besoin de l’être. Sans un bruit a le mérite de ne durer pas plus de 90 minutes et de s’articuler autour d’une idée terrifiante : l’impératif du silence absolu. Un silence que doit respecter l’audience du film, pour s’immerger dans l’univers du long-métrage de John Krasinski où d’affreuses créatures extra-terrestres sévissent sur Terre et traquent les êtres vivants produisant le moindre son. Un pari risqué à l’heure où le pop-corn a envahi les salles et parasite bien des séances dès lors que le voisin de rangée a décidé de touiller dans son pot comme s’il jouait à Motus.
Se tirant délibérément une balle dans le pied avec cette contrainte extrême, John Krasinski la transforme en atout pour produire un film de monstres tendu et redoutablement efficace. Après une mise en place maligne de la trempe des bons films, le dispositif est rapidement installé et la salle complètement docile. Sans un bruit peut alors amorcer son virage horrifique alors que la famille va devoir lutter pour sa survie durant une nuit de terreur.
La majeure partie du film utilise les ressorts d’un film muet (la partition de Marco Beltrami, spécialiste de l’horreur, reste discrète mais menaçante) et exploite formidablement bien son concept, s’appuyant habilement sur la prestation de Millicent Simmonds, remarquée récemment dans Le musée des merveilles de Todd Haynes. S’il n’évite pas les quelques jump-scares primaires mais efficaces, il met parfaitement à profit son sens du suspens hitchcockien alors que les créatures envahissent les lieux : ce n’est pas l’explosion qui terrifie le spectateur, c’est l’anticipation de celle-ci.
Alors qu’il fait grand bruit aux Etats-Unis où il s’est affirmé en succès surprise au box-office au milieu des Avengers et Star Wars, le thriller nerveux de John Krasinski s’affirme comme une nouvelle pierre à l’édifice des productions de genre notables de ces dernières années. Après Get out, plus phénomène pop que véritable film culte, et l’asphyxiant It comes at night qui prouvait brillamment que la démonstration de force n’est pas indispensable pour créer l’angoisse, Sans un bruit réemploie les codes de ses prédécesseurs (les sursauts, les créatures monstrueuses, les prises de vue inquiétantes et un sound design soigné). Mieux, son heure trente de pellicule est un modèle de storytelling (simple et inventif) faisant un usage exemplaire de la grammaire sonore et visuelle pour offrir au spectateur le moment de cinéma jubilatoire qu’il est venu chercher.
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