SATANTANGO
Critique du film
Il arrive qu’un film qu’on découvre à sa sortie ou lors d’une réédition soit un grand choc esthétique, une très grosse claque dont on sent qu’elle marque un cap. Ainsi, peut-on actuellement redécouvrir au cinéma depuis le 12 février un film exceptionnel de Béla Tarr : Sátántangó. Un film qui ne ressemble à aucun autre et qui nous entraîne dans un voyage artistique et spirituel extraordinaire d’intensité. On y suit les pérégrinations de protagonistes plus roués les uns que les autres dans des paysages désolés et battus pas le vent et la pluie. Le film, long de 7 heures et 30 minutes, qui se compose de trois parties se prête difficilement à un résumé, tant il est riche et tant les sensations qu’il charrie doivent être vécues directement par le spectateur, sont difficiles à traduire en mots. Les longs plans hypnotiques, les visages extraordinaires d’expressivité des acteurs, l’utilisation de la musique de Mihaly Vig, tout concourt à faire de cette œuvre une expérience unique.
Adapté d’un roman de László Krasznahorkai, l’auteur fétiche de Béla Tarr et scénariste de plusieurs de ses films (Damnation, L’homme de Londres, Le cheval de Turin), Sátántangó, constitue un film fleuve qui se permet de prendre le temps de longues digressions. Ou de plans séquences qui, sur le papier, pourraient paraître interminables. Et qui prennent un caractère fascinant, hypnotique. Comme cette incroyable introduction de plusieurs minutes qui suit le parcours de vaches qui sortent de l’étable. Aucun ennui, aucune lassitude ne vient troubler l’intérêt que l’on ressent pour l’histoire et les personnages. De même que la noirceur et le désespoir des situations et de l’humanité qu’il nous offre à voir ne plombent jamais le moral.
Beaucoup de cinéastes ont été fortement marqués par le travail radical de Béla Tarr. Gus Van Sant qui reconnaît avoir été très influencé par le réalisateur hongrois, mais aussi Martin Scorsese qui le considère comme un des plus grands. En 2011, à la sortie de son dernier film Le Cheval de Turin, Béla Tarr a affirmé qu’il ne tournerait plus. Pour ne pas se répéter. Parce qu’il avait l’impression d’avoir fait le tour de ce qu’il avait à dire. Combien d’artistes peuvent se vanter d’une telle intégrité, d’une telle radicalité dans leur engagement artistique ?
Un film à voir toutes affaires cessantes grâce au travail de Carlotta Films et pour lequel on espère une future édition en vidéo.
Bande-annonce
12 février 2020 (ressortie) – Bela Tarr, Agnes Hranitzky
