LE SECRET DES MARROWBONE
Après avoir souffert d’un père violent, la famille Marrowbone espère s’inventer une nouvelle vie dans un manoir reculé. Mais le passé les hantent encore…
Sage comme une image.
Le cinéma d’horreur espagnol est une curiosité souvent récompensée. Le cinéma d’horreur espagnol transposé anglophone l’est un peu moins – mais possède quelques jolis atouts. C’est le cas par exemple de L’orphelinat de Juan Antonio Bayona, dont on détourne ici l’attention sur l’un de ses artisans de l’ombre, Sergio G. Sánchez. Le film dérivé est lui aussi à double tranchant : a-t-on droit à l’orfèvre secret, celui sans qui rien n’aurait été possible, ou au besogneux, efficace tant que la direction artistique reste hors ses mains ? Sans être absolus, il y a malheureusement du deuxième dans Le Secret des Marrowbone plus que du premier. Mais aux besogneux appliqués, on a tendance à pardonner le manque créatif.
C’est bien de cela qu’il s’agit dans Marrowbone : d’une sensation de déjà-vu persistante. Peu d’alchimie, peu de d’identité chez cette famille dont la mère est à l’article de la mort, le père absent physiquement mais dont la terreur frappe encore les esprits de ces trois garçons (George MacKay, Charlie Heaton et Matthew Stagg) et de cette fille (Mia Goth) qui ne cherchent rien de plus que la paix d’esprit. Ils s’aiment, cela se voit ; ils se déchirent, cela se sent ; ils cherchent à s’en sortir, cela est convenu. Sortir de quoi ? D’un mal qui rôde la maison, et qui signifie rapidement plus que quelques tremblements, verres brisés et portes qui claquent. Mais que signifie-t-il exactement ? C’est là où le bât blesse. Plus que copie d’un genre ou de sa déclinaison hispanique, Le Secret Des Marrowbone calque les propres références de son artisan principal : voilà une grosse poignée de L’Orphelinat par ci, quelques miettes et bouchées de Les Autres et huis-clos de manoirs par là. On n’en dévoilera pas trop : pointer du doigt les similitudes thématiques, c’est déjà spoiler le contenu. C’est dire s’il s’y colle avec prudence.
Comme souvent dans l’horreur espagnole, celle-ci ne se mêle jamais tant pleinement au surnaturel qu’au drame. Comme précisé à l’instant, en connaître par empirisme les rouages, c’est déjà en désamorcer les enjeux, puisque leur valeur tient dans leur révélation. On voit l’issue de secours, la lueur au bout du tunnel, mais elle n’éclaire rien d’autre que les contours de nos espérances déchues. Anya Taylor-Joy, voisine observatrice des Marrowbone, est honteusement sous-exploitée, tant en profondeur d’écriture qu’en présence sur les devants de l’écran. Là, on pourrait se dire qu’on pousse un peu, la narration ne la plaçant pas au centre des attentions, mais son personnage tendre et récompensé pour l’être, pour une fois dans sa filmographie, ne méritait-il pas une meilleure considération que d’exister via une romance barbante et tirée à gros traits ? Tant d’éléments décevants pour un film qui ne mérite l’ire de personne, mais qui patit de sa sagesse, dans le sens de sa frilosité. Les gentils, aussi attendrissants et appliqués soient-ils, ne font peur à personne.
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