SERMONS DE MINUIT
Après avoir brillamment adapté deux classiques de la littérature horrifique avec les très belles anthologies The Haunting of Hill House et The Haunting of Bly Manor, Mike Flanagan poursuit sa collaboration avec la Plateforme de streaming au N rouge, avec l’ambition de donner toujours plus de sueurs froides à ses spectateurs. Midnight Mass (Sermons de Minuit en français) est donc disponible depuis quelques semaines sur Netflix, et il serait dommage de passer à côté de cette œuvre terrifiante hautement sous influence…
Crockett Island ou Castle Rock?
Pas de doute, les amateurs des précédents travaux de Flanagan retrouveront assez rapidement la patte de son auteur et ses thématiques de prédilection. On ne sera donc pas surpris de suivre une multitude de personnages en proie à des souffrances intériorisées qui rongent lentement leur être. Choisissant d’installer la totalité de son intrigue en (quasi) huis clos, le réalisateur prend le temps de nécessaire à la construction de ses personnages pour mieux en sonder leurs troubles. L’exposition du premier épisode est en cela remarquable de limpidité. En quelques scènes et répliques, tous les rapports et les non-dits qui existent entre les habitants de Crockett Island sont posés. Une écriture subtile qui crédibilise d’entrée de jeu cette communauté insulaire gangrénée par l’isolement, le marasme économique et la promesse de lendemains toujours plus moroses. Sentiment renforcé par le soin tout particulier apporté à une direction artistique atone à souhait et un décor plus vrai que nature (l’ile où se déroule l’action ayant été entièrement construite dans un parc à Vancouver) !
Les enjeux posés, une évidence saute aux yeux : cet incipit ne dépareillerait pas dans un roman de Stephen King. Et pour cause, Crockett Island, et son futur théâtre du fantastique, se pose comme une variation de Castle Rock et toutes les bourgades du Maine disséquées par King. Même s’il n’adapte pas officiellement l’une des œuvres du célèbre écrivain, la filiation avec le maitre de l’horreur demeure néanmoins prégnante à chaque instant du récit. Flanagan s’était déjà frotté à plusieurs reprises à l’exercice d’adaptation (allant même jusqu’à transcender l’un des romans les plus faibles de l’auteur de Salem (Doctor Sleep) pour le grand écran), mais c’est bien avec Sermons de minuit qu’il porte à incandescence toutes les obsessions de l’écrivain, prouvant une fois de plus qu’il est l’un des réalisateurs à avoir le mieux cerné et transposé les écrits du King !
L’horreur est humaine
Comme son titre le laisse fortement suggéré, il sera question dans Sermons de Minuit de croyance, de foi et de rédemption ; autant de sujets qui pourrait faire craindre une approche trop théorique et difficilement accessible. Or, il faut bien reconnaitre à Flanagan une véritable force scénaristique à étayer son propos. Ici, l’horreur vient plus de la manière dont les personnages s’emparent du fantastique que de l’élément surnaturel lui-même. En cela, l’antagoniste de l’histoire (qu’on vous laissera le soin de découvrir par vous-même) est un modèle de pervertissement moral aussi fascinant que terrifiant. Il serait d’ailleurs réducteur de ne voir en Midnight Mass qu’une critique de l’intégrisme religieux, la série interrogeant surtout la part de ténèbres qui réside en chacun de nous face à une situation de désespoir total.
Evidemment, il conviendra d’en révéler le moins possible sur les tenants et aboutissants de toute cette histoire. Le principal rebondissement qui intervient à mi-parcours rebat les cartes d’un récit à la fois dense dans ses thématiques et resserré dans son intrigue. Flanagan met en scène une horreur sourde et sous-jacente qui n’attend que le basculement moral de certaines âmes pour exploser. Là encore, il faut saluer le remarquable travail d’écriture opéré par le réalisateur/scénariste qui parvient à faire exister tous les atermoiements intimes de ses (nombreux) personnages. Il est aidé pour cela par une troupe de fidèles comédiens, tous d’une justesse incroyable et qui donnent à chacun de leur personnage des nuances de jeu qui ne cessent de faire évoluer le regard du spectateur sur eux.
Certes, le rythme lancinant des sept épisodes (de plus d’1h chacun !), ponctués de scènes extrêmement bavardes, pourra en désarçonner plus d’un. Mais la puissance réflexive de l’ensemble achève de faire de Midnight Mass une œuvre d’une ambition folle (aussi bien sur le fond que sur la forme) qu’on ne retrouve que trop rarement sur les plateformes de streaming, plus habitué à servir des contenus aussi vite oubliés qu’ils ont été consommés. Rien de tel avec ces Sermons de Minuit dont certaines scènes et dialogues hanteront vos esprits longtemps après le visionnage…
Bande-annonce
24 septembre 2021 sur Netflix