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SOLO

Violoniste mais aussi trafiquant de bijoux, Vincent Cabral (J.-P. Mocky) découvre, à l’occasion d’un raid meurtrier mené par un groupuscule d’extrême gauche que son jeune frère, Virgile, en est le chef. Afin de l’aider à échapper à la police, Vincent se lance à la recherche de son cadet et s’immisce malgré lui dans l’engrenage tragique des attentats perpétrés par les révolutionnaires.

ANARCHISME POST SOIXANTE-HUITARD

Jouer dans un film que l’on réalise est un exercice difficile que certains maîtrisent à la perfection. On citera Charlie Chaplin, Clint Eastwood ou Woody Allen, ou encore Takeshi Kitano, Xavier Dolan, Kevin Costner, Ben Affleck, la liste est longue. En France aussi, de nombreux réalisateurs/réalisatrices et acteurs/actrices s’y sont essayés avec plus ou moins de succès (François Truffaut, Alain Chabat, Julie Delpy, Yvan Attal, etc.). On ne pense pas, au premier abord, à y inclure Jean-Pierre Mocky. Le réalisateur, décédé en août 2019, a pourtant débuté en tant qu’acteur avant de passer à la réalisation en 1959 avec Les Dragueurs. Pour son 11e film, Solo (1970), Alain Delon et Jean-Paul Belmondo ayant refusé le rôle principal, il se voit contraint de revenir devant sa propre caméra pour un polar plutôt original qui ressort en salle et en Blu-Ray le 4 mai chez ESC éditions dans une version restaurée.

En suivant les parcours parallèles de deux frères que la vie oppose mais dont les convictions se rejoignent, Mocky dresse un portrait sans concession de la France juste après les événements de Mai 68, à une époque où la désillusion règne et où l’ordre a été rétabli sans que la société ne change radicalement. C’est dans un bistrot que l’idée du film est née, alors que Mocky entend une discussion entre jeunes affirmant que Mai 68 ne peut en rester là. Dans le scénario co-écrit avec Alain Moury, les bourgeois s’encanaillent dans des parties fines, et les jeunes tirent dans le tas dans l’espoir de faire bouger les consciences. Radical et désespéré. Et Vincent Cabral, le violoniste cambrioleur, tente de sauver son frère d’une affaire qui risque fort de mal tourner.

Malgré un manque de moyens évident et quelques défauts (musique répétitive, jeu parfois approximatif), Solo emporte par la rage de filmer de son réalisateur qui transparaît à chaque image et son talent des deux côtés de la caméra. Tourné à l’arrache alors qu’il avait 40 ans, le film s’affirme comme une critique de la société de consommation, et annonce explicitement les mouvements terroristes des années 1970 qui vont fleurir, notamment en Allemagne (la bande à Baader) et en Italie (les Brigades rouges). Malgré sa noirceur, Solo a été un succès critique et populaire, et a imposé le personnage joué par Mocky qui réapparaîtra dans ses films ultérieurs, notamment L’Albatros (1971).

Pour ceux qui ne connaissent pas l’œuvre de ce franc-tireur du cinéma français, Solo représente une belle porte d’entrée. Une porte qui mène vers un monde noir comme la nuit et rouge comme le sang. Celui des luttes de l’extrême gauche à une époque où seule la violence semblait pouvoir changer les choses.


4 mai 2022De Jean-Pierre Mocky