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SOUS L’AILE DES ANGES

Indiana, 1817. Une nation américaine, à peine âgée de quarante ans, qui se relève difficilement de sa seconde guerre d’Indépendance. Des hommes et des femmes qui, pour survivre, mènent une lutte sans merci contre la nature et les maladies. Tel est le monde que découvre Abraham Lincoln à sa naissance. Sur une période de trois ans, le film retrace l’enfance du futur président des États-Unis, sa famille, les difficultés qu’il a traversées et qui l’ont construit, la tragédie qui l’a marqué à jamais, et les deux femmes qui l’aideront à accomplir son destin.

Critique du film

La patience a ses vertus. Il aura fallu attendre huit ans pour découvrir Sous l’aile des anges, et par la même occasion l’existence d’A.J. Edwards cinéaste. Nous connaissions déjà son travail de monteur : fidèle allié de Terrence Malick depuis le milieu des années 2000, il a contribué à l’élaboration du montage par correspondance du réalisateur du Nouveau monde, dont il reprend une partie de la grammaire pour ce premier long-métrage. Depuis, A.J. Edwards a réalisé Friday’s Child et First Love, qui n’ont pas encore bénéficié d’une sortie nationale française.

Huit ans, c’est aussi l’âge qu’Abraham Lincoln venait de quitter lorsqu’il est devenu orphelin de mère, cristallisation dramatique autour de laquelle se noue l’intrigue émotionnelle du film. Nous sommes en Indiana, à la fin des années 1810, et le jeune Abraham est élevé par ses parents dans une maison isolée par les bois, vivant selon une économie quasiment autarcique. Entre l’école, les travaux manuels et les jeux dans la nature, il découvre les différentes facettes de son univers. Le film se focalise sur quelques années de sa jeunesse au milieu desquelles sa belle-mère (Diane Kruger) occupera la lourde tâche de succéder à celle qui l’a mis au monde. « Je ne vais pas remplacer ta mère, mais je t’aimerai autant qu’elle », lui assure-t-elle.

Sous l'aide des anges

Comme dans The Tree of Life, la beauté de la nature et le foyer familial s’accompagnent d’une dualité fondatrice et complémentaire. La sévérité du père définit un modèle de rigueur et de prosaïsme face aux éléments (naturels, matériels), contre-balancé par la douceur et la bienveillance de la mère – ou plutôt des mères, les anges du titre dont les ailes sont protectrices. Le schéma dramatique est cependant inversé : ce n’est pas une femme qui fait le deuil de son fils mais un enfant qui est confronté à la disparition. Aussi, à la façon d’Une vie cachée, il s’agit de raconter un événement historique majeur par la mise en lumière d’un à-côté : une force transhistorique dépasse la période, alors que les personnages vivent pleinement les conséquences de l’Histoire ou sont amenés à agir sur celle-ci. Le langage de Terrence Malick, par ailleurs producteur du film, est à l’évidence source d’influence mais il ne menace jamais d’être écrasant puisqu’il induit en lui-même, par la légèreté de ses mouvements, une grande profondeur et une clarté, libératrice.

La puissance d’évocation du film permet d’incorporer le gigantisme apparent du personnage (on repense au biopic de Steven Spielberg qui racontait Lincoln à travers des choix formels en tous points contraires à ceux de Sous l’aile des anges) à l’intérieur d’un cinéma de sensations qui relie les êtres à leur environnement. Si on repère des thèmes que Lincoln défendra lorsqu’il deviendra celui qu’on connaît (l’éducation, la justice), ils sont fondés sur l’expérience – à peine le jeune garçon aperçoit-il des esclaves au cours d’une marche dans la forêt. Il se définit par ses propres perceptions, des images physiques et mentales vécues avant tout comme un ensemble d’affects essentiels à sa construction d’être humain.

En s’attachant à raconter, grâce à des intuitions visuelles rythmées par les battements de l’âme, l’enfance du président des Etats-Unis dont la silhouette est à jamais sculptée devant un mémorial à Washington, A.J. Edwards capte le monde qui était à la portée de son regard d’enfant. Plutôt que la transposition d’une leçon d’histoire politique, Sous l’aile des anges est la mise en scène d’un éveil poétique.

Bande-annonce