SPIDERHEAD
Dans un pénitencier ultra-moderne, un détenu s’interroge sur la finalité des médicaments de contrôle des émotions qu’il teste pour le compte d’un génie de la pharmacie.
CRITIQUE DU FILM
On ne peut pas enlever aux Américains le talent qui consiste à s’emparer avec une certaine efficacité d’un sujet de société pour le transformer en fiction. Le scandale des drogues anti-douleur (opioïdes), qui causent des ravages aux États-Unis depuis le milieu des années 2010, a fait notamment l’objet d’une mini-série appelée Dopesick, et disponible sur Disney+.
Production indépendante financée par des fonds australiens acquise par Netflix, Spiderhead tente à son tour d’aborder ce sujet brûlant par son versant métaphorique. Un scientifique aux atours de play-boy (Chris Hemsworth) conduit des expérimentations avec des drogues affectant le cerveau de cobayes consentants ayant été condamnés pour divers crimes et espérant mieux s’en tirer qu’en prison dans un centre isolé au bord de l’eau. Notre héros (Miles Teller) va essayer de comprendre les vraies intentions du propriétaire des lieux et de renverser le rapport de force.
Tiré d’une nouvelle de l’écrivain américain George Saunders, le scénario cherche en vain à étirer l’intrigue sur la durée d’un long métrage. À la réalisation, on retrouve quelques semaines après la sortie de Top Gun: Maverick Joseph Kosinski, dont c’est le troisième film avec Miles Teller (inoubliable révélation de Whiplash).
Pourtant, dépourvus de caractérisation et de profondeur, les personnages peinent à exister devant la caméra, réduits à des stéréotypes. Si Teller est plus ou moins convaincant dans un registre assez limité, ce n’est pas le cas de Chris Hemsworth, dont le statut de coproducteur laisse penser que le rôle lui est revenu d’office. C’est pourtant à cause de lui que l’on peine à s’investir dans la fiction, tant son jeu parait dénué de subtilité. Il aurait fallu un acteur plus âgé, plus charismatique, plus inquiétant pour ce rôle important (comme disait Hitchcock, si le méchant est réussi, le film est réussi).
Manque de suspens
Le film enchaîne les scènes plus ou moins ridicules (un homme et une femme font croire qu’ils font l’amour en gardant leurs sous-vêtements, une séance de joints à l’humour forcé), sans parler des longs tunnels de dialogue inutiles, de la scène traumatique dévoilée en flash-back (quelle originalité !), et du manque total de suspens et de progression dramatique, ainsi que de nombreuses inconsistances narratives.
En montrant un pseudo scientifique mettant au point une drogue capable de rendre les gens obéissants et finalement pris à son propre piège, Spiderhead s’efforce de faire passer le message que non, les produits pharmaceutiques ne sont pas l’avenir de l’humanité. Ce que le spectateur avait déjà compris. Il y avait pourtant beaucoup à dire sur un sujet qui cherchait à se réapproprier l’expérience de Milgram à l’heure d’une épidémie de drogues qui cause des milliers de décès chaque année.
Financé en grande partie par l’État australien, qui souhaitait booster son économie pendant la pandémie de Covid-19, Spiderhead ressemble davantage à un prétexte pour réunir deux acteurs populaires sous la caméra d’un réalisateur « bankable », donnant l’impression de dérouler son programme en mode automatique.
Bande-annonce
17 juin 2022 (Netflix) – De Joseph Kosinski, avec Chris Hemsworth, Miles Teller