STAND BY ME
Carte blanche est notre rendez-vous pour tous les cinéphiles du web. À nouveau, Le Bleu du Miroir accueille un(e) invité(e) qui se penche sur un thème cinématographique ou audiovisuel qui lui est cher. Pour ce quarante-cinquième rendez-vous, nous accueillons parmi nous Jean-Luc Brunet, journaliste pour Ciné + et Canal +. Il nous exprime de manière très personnelle la difficulté de choisir un film fondateur, au cœur de l’enfance, souvent distant dans le temps mais toujours au combien proche de soi pour des raisons évidentes. Stand by me et son casting d’enfants stars est de cette catégorie de films qui reste en mémoire autant pour ses images que sa bande son. C’est en tout cas le choix de Jean-Luc pour cette nouvelle édition de Carte Blanche.
Carte Blanche à… Jean-Luc Brunet
Quand l’équipe du Bleu du miroir m’a très gentiment proposé d’évoquer le souvenir d’un film, d’un moment lié à ma passion du cinéma, je n’ai pas immédiatement repensé à mon 1er souvenir de cinéma en salles, Le livre de la jungle (mon premier Disney en 1967), ni à ma seule séance, au milieu des années 70, avec l’une de mes grand-mères dans une petite salle du Val d’Oise pour y voir un nanar comme on n’en fait plus et pourtant ! Impossible n’est pas français, de Robert Lamoureux avec Jean Lefebvre & Pierre Mondy.
En revanche, j’aurai pu citer quelques films et des réalisateurs qui font partie de mon panthéon personnel dans des registres extrêmement variés : Série noire, d’Alain Corneau avec mon comédien préféré entre tous, l’immense Patrick Dewaere, Hana-bi, la perle émotionnelle de Takeshi Kitano, Apocalypse now, le film cauchemar de Francis Ford Coppola, Edward aux mains d’argent de Tim Burton, Buffet froid, le chef d’œuvre de Bertrand Blier, The Rose de Mark Rydell avec Bette Midler, Je ne suis pas un salaud pour la mise en scène au scalpel d’Emmanuel Finkiel et un impressionnant Nicolas Duvauchelle, Le mari de la coiffeuse de Patrice Leconte avec le fantasque Jean Rochefort, Midnight Express d’Alan Parker, Fitzcarraldo de Werner Herzog avec l’halluciné & hallucinant Klaus Kinski, 37°2 le matin de Jean-Jacques Beineix avec la révélation de l’incroyable Béatrice Dalle, Memories of murder du génial Bong Joon-Ho, La ligne rouge de Terence Malick…et tant d’autres !
Mais c’est un long-métrage d’apparence plus léger, plus fragile qui m’est immédiatement revenu à l’esprit. Un film dont le souvenir tenace et réconfortant m’a accompagné au fil du temps et que je prends toujours un immense plaisir à (re)voir et à partager.
Ce film, c’est Stand by me, sorti en France en février 1987 mais que je ne découvre que quelques mois plus tard, en septembre, à l’occasion de l’ouverture d’un lieu, à nul autre pareil pour qui aime le cinéma et le plaisir de la découverte, Utopia à Saint Ouen l’Aumône dans le Val d’Oise.
Utopia, avec ses salles vintage, sa convivialité, son abonnement à un prix défiant toute concurrence, son choix de la VOST, sa programmation sur plusieurs semaines permettant au fameux bouche à oreille d’exister et à la curiosité de s’aiguiser, ses reprises de classiques ou de coups de cœur de son équipe, ses débats passionnés et passionnants et enfin, sa gazette mensuelle, programme-critique et promesse de plaisirs ciné à venir.
Malgré des centaines, des milliers de films vus depuis, dans un nombre conséquent de salles techniquement parfaites… jamais, je n’ai retrouvé un tel plaisir de cinéphile, lié très souvent à la découverte de films « inattendus ». Après ce très long aparté, en forme de déclaration d’amour au cinéma sous toutes ses formes et à sa transmission, retour à Stand by me. 33 ans déjà, donc, que je partageais pour la première fois, les mésaventures de Chandler et ses potes, au cœur de l’été 59, dans l’Oregon.
Stand by me est librement adapté de The body, roman de Stephen King qui cette fois ne fait pas dans l’épouvante mais dans l’analyse des affres de l’enfance à travers le parcours semé d’embuches de Gordie, Chris, Teddy & Vern. Ces 4 jeunes garçons d’une douzaine d’années (l’âge des possibles, de tous les possibles…) partent à la recherche du corps d’un enfant de leur âge, Ray Brower, en suivant les rails d’un train dans l’espoir de passer dans les journaux, grâce à leur découverte…
Une folle expédition, en forme de conte initiatique, qui touche au cœur, quelque soit son âge, son milieu, son parcours tant ce récit autour de l’amitié et de la vie est universel.
Très dépaysant, le périple de ces enfants qui traversent les magnifiques grands espaces de l’Oregon, ne serait pas le même sans l’excellence de son interprétation. Si Kiefer Sutherland, John Cusack ou Richard Dreyfuss sont au générique, ce sont les noms des quatre jeunes interprètes principaux qu’il convient de citer, Will Wheaton (Gordie Lachance), Corey Feldman ( Teddy Duchamp) Jerry O’Connell (Vern Lessio) & surtout le regretté River Phoenix (frère ainé de Joaquin) alias Chris Chambers qui, avec ce 1er grand rôle, marque durablement de son empreinte et de sa sensibilité le 7ème art.
Depuis, le souvenir du film est régulièrement ravivé, notamment, dès que résonnent les premières notes du Stand by me de Ben E.King, qui a donné son titre au film, ou celles de l’entêtant Lollipop du groupe 60’s The Chordettes. Bref, vous l’aurez compris, Stand by me n’est peut-être pas un chef d’œuvre mais il est tout aussi important, pour moi, que certains films « intouchables ». Et il est surtout l’un des plus jolis long-métrages sur l’enfance, le deuil et l’amitié. Je me réjouis, par avance, de l’immense plaisir qu’il procurera, je l’espère, à celles et ceux qui ne l’ont pas encore vu.
Jean-Luc Brunet
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