STILLWATER
Critique du film
Que feriez-vous si votre fille était emprisonnée de l’autre côté de l’Atlantique pour un crime qu’elle n’a vraisemblablement pas commis ? Après le très solide et édifiant Spotlight, le réalisateur Tom McCarthy s’inspire partiellement de la réalité pour placer le personnage de Matt Damon, Bill Baker, face à un dilemme moral. Reconnue coupable du meurtre de sa colocataire dans un procès ayant fait grand bruit, elle pure une peine de prison aux Baumettes, à Marseille. Son père, qui n’a visiblement pas été jusque là un parent fiable, lui rend visite ponctuellement et tente de réparer le lien tout en soutenant celle qui compose la seule famille qui lui reste.
Renouant avec la dimension de thriller d’investigation qui faisait la qualité de Spotlight, pour lequel il a été sacré aux Oscars, Stillwater boxerait davantage dans la catégorie des œuvres antérieures de McCarthy – on pense notamment au poignant The Visitor. Car ce polar tourné dans la cité phocéenne se recentre finalement bien plus sur l’itinéraire de ses personnages que sur le fond de l’enquête en elle-même. Une fois passée la première heure qui verra Bill redoubler d’efforts (vains) pour faire réouvrir l’affaire de sa fille, le drame de McCarthy s’intéresse aux êtres humains derrière les gros titres et à leur capacité de résilience, entre chagrin et culpabilité.
Au coeur d’une ville très vivante, où la loi de la rue peut parfois dérouter ceux qui n’y sont pas accoutumés – qu’ils viennent d’une autre région ou d’un autre continent -, Stillwater désoriente son protagoniste principal, solidement incarné par Matt Damon. Ce dernier trouve en Virginie (Camille Cottin, convaincante) une amie de circonstance, et peut-être une nouvelle voie vers la rédemption et l’apaisement. Ainsi, à mesure que Bill se « désaméricanise », le ton du film semble devenir plus chaleureux et romantique, réorientant naturellement la coloration du récit vers l’humain.
Co-écrit avec l’Américain Marcus Hinchey et les Français Thomas Bidegain et Noé Debré, Stillwater profite clairement de cette double identité pour raconter le choc des cultures et insuffler au film une certaine authenticité locale. Au coeur de ce récit somme toute classique, ils livrent une histoire simple et sincère d’êtres brisés qui cherchent à (re)créer du lien et se réparer. On serait finalement plus proche du drame social que d’un thriller musclé à la Taken ! Il en résulte une proposition cinématographique bien plus intéressante qu’à première vue. Dans un contexte où l’industrie du cinéma tente fragilement de retrouver des couleurs après la pandémie, cette œuvre grand public qui se joue des idées reçues n’en est que plus attachante.
Bande-annonce
22 septembre 2021 – Avec Matt Damon, Camille Cottin, Abigail Breslin