SUZANNE
Le récit d’un destin. Celui de Suzanne et des siens. Les liens qui les unissent, les retiennent et l’amour qu’elle poursuit jusqu’à tout abandonner derrière elle…
Critique du film
Suzanne, deuxième film de la réalisatrice française Katell Quillévéré après Un poison violent, était présenté en avant-première dans le cadre du Paris Cinéma Festival en présence de l’équipe qui nous a également offert la possibilité de débattre en questionnant les protagonistes. Le film, entre drame passionnel et chronique familiale, ne sortira pourtant qu’en décembre, ainsi l’opportunité était plutôt belle de découvrir ce long-métrage qui avait fait l’ouverture de la Semaine de la Critique à Cannes cette année.
Pour son second long-métrage, Katell Quillévéré nous emporte dans une oeuvre pleine de maturité, émotionnellement dense et remarquablement bien écrite, qui couvrira vingt ans de la vie de Suzanne. Habilement construit par l’utilisation intelligente de nombreuses ellipses temporelles évitant de tomber dans la démonstration, le récit s’attarde davantage sur les réactions des personnages et leur capacité à affronter ces accidents du destin. C’est au spectateur de reconstruire ce qui a pu arriver pendant cette période que la réalisatrice a choisi de ne pas nous montrer. Ce genre de film entraîne souvent le spectateur dans un torrent de misérabilisme assez étouffant, Suzanne ne fait pas partie de ces films-là. Son auteur a eu la finesse de privilégier la pudeur à la surenchère et à l’excès dans les scènes supposées les plus fortes. Comme elle le déclarait lors du débat qui a suivi le film, elle proposait à ses interprètes de jouer de plusieurs façons différentes les scènes les plus émouvantes afin d’avoir ensuite à disposition plusieurs tonalités même si elle finissait toujours par opter au montage pour celles qui étaient le plus dans le retenue. C’est cette retenue là qui permet justement de faire naître l’émotion et l’empathie chez le spectateur.
Si l’on ne peut qu’être ébloui par cette gestion de l’émotion très juste et très sensible qui offre de nombreuses très belles scènes dans Suzanne (au tribunal, au parloir, à la douane…), on soulignera également la qualité de la direction d’acteurs ainsi que celle des interprètes. Parfois exubérante dans certains de ses rôles, Sara Forestier est ici impeccable dans ce rôle titre, portant le personnage sur une quinzaine d’années avec beaucoup de justesse et de caractère. À ses côtés, sa soeur complice à la loyauté indéfectible est incarnée par Adèle Haenel, qui a parcouru énormément de chemin depuis son rôle marquant dans Naissance des pieuvres. Elle est remarquable de présence et de naturel. Mais c’est François Damiens qui se démarque peut-être encore plus. L’acteur belge est déchirant dans le rôle de ce père veuf, courageux, aimant et attentif, qui tente de faire face aux accidents de la vie et aux choix déroutants de sa fille aînée.
Si le film fonctionne aussi bien c’est parce que sa réalisatrice laisse le spectateur appréhender l’histoire, les événements et les personnages de lui-même. Malgré le sujet et un destin parfois tragique, on ne sombre jamais dans la lourdeur en évitant l’écueil du pathos et les grandes explosions de colère ou effusion de larmes. Il reste d’ailleurs à Suzanne beaucoup de lumière : au sens propre, avec l’éclairage et la photographie très soignés, comme au figuré, à travers les regards et les sourires de ses personnages qui gardent le cap, la soeur ou le père se substituant souvent à une jeune mère absente qui aura préféré disparaître pour l’amour d’un homme que de rester pour celui des siens (et surtout de son fils Charlie). Avec Suzanne, Katell Quillévéré a signé une fresque familiale et passionnelle remarquable de justesse et de finesse scénaristique et cinématographique, porté par trois comédiens éblouissants.
De Katell Quillévéré, avec Sara Forestier, François Damiens, Adèle Haenel
Disponible sur Ciné+
[…] dans le cadre du Festival Paris Cinéma. Dès les premières séquences, comme pour le très bon Suzanne qui suit lui aussi le destin d’une jeune femme sur plusieurs années, on est rapidement […]
J’en attends beaucoup. J’avais bien aimé le 1er film de la réalisatrice. Je lirai ta critique après l’avoir vu…
J’ai regardé son premier film après cette découverte qui m’a épaté.
Je dois reconnaître que Poison Violent m’a beaucoup moins interpelé. Je lui préfère très largement ce Suzanne que je trouve très subtilement et intelligemment construit et très fort.
[…] comédies (Les profs, Les gamins, La stratégie de la poussette…) mais de très beaux dramas (Suzanne, La vie d’Adèle, Juliette, Michael Kohlhaas, Le Passé…). Gibraltar confirme cette […]
[…] LA CRITIQUE DU FILM EN EXCLU […]
Absolument d’accord avec toi. F Damiens INCROYABLE !!!
S’il n’est pas nominé, c’est un peu un scandale.
Effectivement les acteurs sont parfaits, et devraient être nommés tous les 3 aux César (mais rien aux Etoiles d’or sorties auj)même si Damiens est limite d’en faire parfois un peu trop . Quant au film je suis moins enthousiaste que toi même si j’ai bien aimé. Des très belles scènes, une émotion toujours sur le fil. Je crois que j’ai préféré Un poison violent…
Pardon seul Paul Hamy est nommé en révélation…
Tu sais que c’est parce ça fait des mois que tu postes des liens vers ton article via fcbk et twitter, que je me suis rué le voir hier. Et donc j’ai juste envie de te dire merci pour ton matraquage car franchement ce film est une petite pépite et surtout une put*** de leçon de cinéma !
La narration en ellipses m’a dérouté au début, (pas trop adepte en général, car c’est souvent foireux au cinéma), mais elle est ici impeccablement maîtrisée et donne tout son charme au film. Comme tu le dis, cela permet à Katell Quillévéré (au passage, elle aurait pu prendre un pseudo parce que c’est galère à retenir son nom) de se focaliser sur les personnages et leurs réactions face à des événements bien particuliers. Je suis vraiment redevable à la réalisatrice de laisser aux plans le temps de s’installer. Là où souvent le montage ne retient que le paroxysme de l’émotion, ici la longueur des plans permet de capter toute la prestation de l’acteur, de voir naître l’émotion (en particulier lors de ce sublime plan de François Damiens au tribunal). Ce que tu dis sur son travail de direction d’acteurs ne me surprend donc pas car cela transparaît totalement à l’écran. Et du coup, le jeu des acteurs s’en voit encore grandi. Le trio est juste sublime, mais c’est vrai que c’est François Damiens qui m’a mis la plus grosse claque. S’il ne décroche pas le César du meilleur second rôle, je ne réponds plus de rien !
Bon je vais arrêter là, parce que je suis en train de rédiger ma critique sur ton blog, là 😉
Ravi que mon article t’ait poussé à aller le voir et surtout que tu l’aies autant aimé 🙂
[…] Bérénice Bejo (prix d’interprétation à Cannes) et Sara Forestier (touchante dans Suzanne), toutes déjà récompensées aux Césars, ainsi que Sandrine Kiberlain (assez hilarante dans 9 […]
[…] va), Bérénice Bejo (prix d’interprétation à Cannes) et Sara Forestier (touchante dans Suzanne), toutes déjà récompensées aux Césars, sont elles aussi restées sur le carreau puisque […]