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TESTAMENT

Dans une ère d’évolution identitaire, Jean-Michel, un célibataire de 70 ans, a perdu tous ses repères dans cette société et semble n’avoir plus grand chose à attendre de la vie. Mais voici que dans la maison de retraite où il réside, Suzanne, la directrice, est prise à partie par de jeunes manifestants qui réclament la destruction d’une fresque offensante à leurs yeux. Alors qu’il observe avec ironie cette époque post pandémique où tout lui semble partir à la dérive, Jean-Michel reprend en main sa vie… et celle des autres.

Critique du film

Cinq après La Chute de l’Empire américain, son précédent film, Denys Arcand revient avec Testament, son quinzième long-métrage, une œuvre à la fois profonde et drôle. Jean-Michel Bouchard, un septuagénaire qui semble désabusé, toujours resté célibataire et qui imagine qu’il mourra dans une indifférence générale, vit dans une maison de retraite, même s’il continue à travailler deux jours par semaine aux Archives Nationales. Ne comprenant pas toujours l’évolution du monde dans lequel il vit, et notamment certains virages de la société, il scrute les situations avec un détachement apparent, mais ne sera peut-être pas totalement passif face à des événements qui le pousseront à sortir de sa réserve.

Déphasé avec son époque, il lit des livres et écoute de la musique classique. Alors que la direction de la maison de retraite où il vit décide d’initier les résidents aux jeux vidéo et d’envoyer toute la bibliothèque au recyclage, Jean-Michel Bouchard – joué par l’impeccable Rémy Girard – noue une relation presqu’amicale avec Suzanne qui dirige l’établissement. Suzanne a été sommée par de jeunes activistes de faire disparaître une fresque jugée outrageante car elle montre la rencontre de blancs avec des Amérindiens presque nus. Les jeunes protestataires estiment qu’à l’époque les autochtones étaient habillés d’une autre façon. L’affaire prend une tournure médiatique et politique d’une ampleur inattendue.

Testament pointe du doigt franchement, mais toujours avec intelligence et une forme de bienveillance, les travers d’un monde et d’une société où les causes peuvent facilement être dévoyées par une forme de jusqu’au-boutisme, où les dérives absurdes d’une bien-pensance poussée à l’extrême contribuent à diviser les gens plutôt qu’à les réunir et à rendre l’atmosphère invivable. Choqués parce ce qu’on voit des Amérindiens nus sur un tableau, les activistes du film de Denys Arcand préfèrent réécrire l’histoire et penser qu’effacer le témoignage, la trace d’une époque, équivaudrait à en faire disparaître les stigmates, les conséquences néfastes sur la société. Obnubilés par le tableau et exultant lors de sa « disparition », n’oublieraient-ils pas que les descendants des premiers habitants de leur pays connaissent des difficultés de logement, d’accès à l’eau et de drogue ? 

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« On ne gouverne pas avec la réalité, mais avec les apparences », affirme une personnalité politique de Testament. Denys Arcand se montre particulièrement désabusé face à cette caste qui voudrait diriger le pays, mais qui finalement se plie au politiquement correct, par peur et par conformisme. Au risque de voir un pays tomber dans une grande forme de précarité – on apprend que la maison de retraite n’a plus de médecin et se situe au cent trente-septième rang sur une liste d’attente – et dans une multitude de fractures. 

Les réseaux sociaux, du moins l’usage que certains en font, ne sont pas non plus épargnés : « La vie privée est une valeur ancienne. Ce qui compte maintenant, c’est la communauté », dit une jeune serbe qui travaille aux Archives Nationales avec Bouchard. C’est pourtant dans une certaine forme d’individualisme, qui ne serait pas synonyme d’égoïsme mais de courage, de singularité et de véritable initiative que Bouchard trouvera peut-être un remède à sa solitude et à son mal de vivre. « De temps en temps, poser un geste gratuit de bonté, c’est ce qui rend la vie supportable ». 

Les personnages de Testament nous sont montrés avec beaucoup de sensibilité et de tendresse. Bouchard n’est pas un simple réactionnaire grincheux dans la mauvaise acception du terme mais un homme qui veut vivre paisiblement son existence et qui semble souhaiter la même chose pour les autres. Porté par une interprétation drôle et nuancée, avec autour de Rémy Girard, Sophie Lorain, Marie-Mai ou Guylaine Tremblay, Testament porte un regard incisif sur le monde contemporain, sans tomber dans le pessimisme ou la méchanceté. Un constat mi-amusé, mi-inquiet, savoureux et tendre. 

Bande-annonce

22 novembre 2023 – De Denys Arcand, avec Rémy GirardSophie LorainMarie-Mai