THALASSO
La ficheRéalisé par Guillaume Nicloux – Avec Gérard Depardieu, Michel Houellebecq – Comédie dramatique – France – 21 août 2019 – 1h33
Cinq ans après son enlèvement, Michel Houellebecq est en cure de thalassothérapie à Cabourg. Soumis à un régime de santé extrêmement stricte (sans tabac ni alcool), l’écrivain désespère de devoir poursuivre ses soins pendant une semaine entière. Il fait néanmoins la rencontre de l’acteur Gérard Depardieu, également en cure. Ensemble, ils tentent de survivre à leur régime, en s’offrant quelques instants d’hédonisme (essentiellement à base de vin et de rillettes). Face à la certitude de la péremption des corps, Michel et Gérard divaguent sur le sens de l’existence, mais aussi sur la mort.
La critique du film
Comment la jouissance de la vie peut-elle être soumise à l’irrémédiabilité de la mort ? Voilà l’une des questions que pose le dernier film de Guillaume Nicloux, dont l’ampleur philosophique se déploie pourtant au travers d’une anecdotique cure de thalassothérapie. Le récit se focalise principalement sur le point de vue de Houellebecq, errant dans ce centre froid et impersonnel, où l’absurde injonction au bien-être côtoie parfois un sentiment d’inquiétante étrangeté. Cette tension se ressent dès la scène de rencontre avec Depardieu, sorte de fantôme gargantuesque ne cessant de croiser la route de l’écrivain, memento mori d’une jouissance aussi excessive que vitale. Rappelons-nous que Gérard avait déjà dit « non » à la mort dans Valley of Love, l’un des précédents films de Nicloux.
Rapidement, les deux discutent, dissertent et s’égarent dans de longs discours sur Dieu, le cosmos, ou bien encore la résurrection des corps comme façon de vaincre la mort. Aussi, selon Michel, la mort n’est pas irrémédiable, au nom d’une certitude dont il n’explique pas vraiment la nature. La cultivation mortifère et stérile du corps sain n’est pas une réponse à la vie, mais sa négation. Why not. Leurs élucubrations pourraient lasser, mais le film a l’intelligence de jouer avec le second degré, voire avec un ésotérisme volontairement pathétique, afin de troubler l’apparente impression de réalité.
Le retour des trois ravisseurs de Michel dans L’enlèvement de Michel Houellebecq participe aussi à l’absurdité ambiante, même si l’intrigue qui leur est liée est difficilement intégrée au récit principal. On sent pourtant un réel plaisir du réalisateur à filmer ses acteurs et actrices, si bien qu’il fait le choix, une nouvelle fois, de les privilégier face au récit, lui-même écrasé par son sujet philosophiquement imposant. En ce sens, la fascination du spectateur pour la vie de ces deux hommes apparaît comme une condition sine qua non à la pleine appréciation du film, qui fait le choix radical de se reposer pleinement sur l’aura de ses acteurs principaux.