THE APPRENTICE
Années 1970. Les jeunes années de l’entrepreneur immobilier, Donald Trump et sa relation avec l’homme politique, Roy Cohn.
Critique du film
Les films d’Ali Abbasi (Border, Les nuits de Mashhad) s’enchaînent et ne se ressemblent pas. D’origine iranienne mais résidant en Suède depuis de nombreuses années, le cinéaste s’est forgé une identité entre plusieurs cultures. Une dimension cosmopolite qui se ressent dans la nature composite de son cinéma. Du conte horrifique sensoriel au thriller politique, les propositions d’Abbasi ne craignent pas le grand écart, venant parfois même casser les codes dramaturgiques habituels au sein d’un même film. Dès lors, il est peu surprenant de voir le réalisateur franchir une nouvelle frontière culturelle et linguistique avec The Apprentice. Un projet aussi improbable qu’intriguant puisqu’il se penche sur l’ascension d’un jeune Donald Trump au mi-temps de années 70.
Plus précisément, le film s’intéresse sur plus d’une dizaine d’années à la relation entretenue par le futur président des États Unis avec Roy Cohn, avocat de profession et figure américaine controversée, principalement connu pour avoir joué un rôle déterminant dans la condamnation des époux Rosenberg en plein maccarthysme.
Un bref échange de regard digne d’une histoire d’amour initie la rencontre entre les deux hommes. Roy Cohn a la parole facile, occupe tout l’espace de sa présence et domine largement le cadre. Donald, malgré ses ambitions affichées, a du mal à cacher son manque d’assurance, toujours dans l’ombre d’une figure paternelle écrasante. Cohn accepte rapidement de représenter Trump (père et fils) dans un procès intenté par le gouvernement fédéral pour le refus des magnats de l’immobilier de louer des appartements à des afro-américains. Débute alors une relation mentor / élève dans laquelle Cohn va progressivement révéler à Trump ses secrets pour gagner à tous les coups…
L’idée de se concentrer sur la décennie qui a façonné la persona de Trump est plutôt habile sur le papier. Pourtant, c’est le personnage de Cohn, interprété par un Jeremy Strong en grande forme, qui vole la vedette à chacune de ses apparitions. L’ambiguïté fascinante qui émane d’un tel personnage justifierait à elle seule un long-métrage. Seulement, ce n’est pas le projet de The Apprentice.
De manière générale, le film d’Abbasi n’échappe pas aux écueils inhérents à la majorité des biopics. En voulant balayer de nombreux événements sur la période narrée, le scénario tire trop de lignes narratives et fait intervenir une quantité hallucinante de personnages sans jamais s’y intéresser réellement. La psyché de Trump n’est jamais interrogée et l’étude d’un système qui a permis à un homme d’affaires médiocre (mais riche !) de bâtir un empire immobilier se limite quant à elle à des dialogues de quelques minutes, filmés en champs / contrechamps dans des gratte-ciel new yorkais. Abbasi semble plus intéressé par le fait de glisser quelques allusions aux célèbres « perles » de Trump, en oubliant que les sketchs du Saturday Night Live l’ont déjà fait avant lui avec nettement plus de subtilité et d’acidité.
Reste une direction artistique de bonne facture qui évolue de manière à traduire le temps qui passe. Mais là encore, le travail sur l’étalonnage fait plus office de gimmick un peu vain qui cherche désespérément à reconstituer le grain argentique de l’époque (pour les années 70) et les rayures caractéristiques des VHS (pour les années 80).
Avec cette première expérience en langue anglaise, Ali Abbasi rate sa tentative de dresser le portrait d’une des figures les plus puissantes et étranges du XXIème siècle. Le cinéaste au ton pourtant si singulier semble complètement s’évanouir derrière un récit amorphe qui ne prend jamais parti, ni dans son écriture, ni dans sa mise en scène. En somme, ni lui, ni les spectateurs ne méritaient un film de deux heures qui nous apprend au bout du compte que Donald Trump n’est pas un type bien.