THE FALLOUT
Critique du film
Depuis Scream, X et surtout Mercredi le mois dernier, Jenna Ortega a été immédiatement propulsée au rang de figure identifiée des yeux du grand public. Avant ces trois grosses sorties, lui ayant assuré la notoriété et la considération médiatique et critique, la jeune comédienne s’était pourtant déjà faite remarquer dans un long métrage indépendant américain sorti directement chez nous en VOD en début d’année : The Fallout.
Dès le prologue, on découvre Vada, une lycéenne qui se rend comme chaque jour en cours. Alors qu’elle se trouve dans les sanitaires, des coups de feu éclatent dans le hall. Par instinct, elle entraine avec elle une camarade, visiblement très populaire dans le lycée, dans une cabine de toilette pour s’y réfugier, tétanisée pendant que la tuerie se déroule dans le couloir adjacent. L’effroi saisit la jeune femme, comme le spectateur, tétanisé par ce qui se trame hors champ. Son existence est ainsi bouleversée à jamais. Comment reprendre le chemin du lycée, retrouver les habitudes comme si rien n’était différent ?
Columbine. Sandy Hook. Parkland, Santa Fe, Orlando… Maintes et maintes fois, les Américains ont assisté à ce même récit après qu’une autre fusillade tragique dans une école a eu lieu sur leur territoire : une semaine de deuil et recueillement, un appel public désespéré à l’action politique, puis enfin l’oubli d’une société qui tourne trop souvent la page. Une fois les premiers jours passés, l’attention se détourne et les médias passent à autre chose. Le public lui emboîte le pas, peut-être désireux de chasser de son esprit un tel chagrin et un sentiment collectif d’impuissance. Jusqu’à quand continuera-t-on à suivre ce même cycle infernal ? Comment faire pression sur les dirigeants pour qu’ils adoptent enfin des lois visant à contrôler réellement l’usage des armes à feu ? C’est ce que tente de mettre en place son meilleur ami, devenu porte-parole de la tragédie à travers les médias.
Alors que la majeure partie de la population semble se contenter de subir des cycles de terreur et de normaliser un tel chaos après chaque fusillade, restent celles et ceux qui ne peuvent se permettre un tel choix. Celleux qui ne peuvent pas simplement tourner la page et se retrouvent à porter ce lourd fardeau de la barbarie pour le reste de leur vie. Certains parviennent admirablement à transformer leur angoisse en action, par l’activisme. Puis il y a les autres, innombrables, qui fuient les projecteurs, intériorisant leur traumatisme et leur lutte. Vada est de ceux-là. Toujours en état de sidération, elle fuit la réalité et retrouve régulièrement celle qui a partagé le traumatisme de cette tuerie à ses côtés, Mia, malgré leurs personnalités diamétralement opposées.
Avec son premier long métrage, Megan Park fait des débuts remarqués faisant preuve d’une finesse digne d’une cinéaste bien plus expérimentée, nous immergeant instantanément dans le tumulte de ce récit avec une maîtrise convaincante dans son projet. Après un prologue saisissant et intelligemment mis en scène pour faire éprouver l’horreur sans la montrer, la réalisation de Park suit une partition délicate grâce à sa caméra au plus près de son personnage principal, accompagnant les émotions de ses protagonistes et créant ainsi une empathie forte avec Vada et Mia dont on a l’impression de pénétrer la psyché.
S’attaquer à un tel sujet dès son premier film n’était pas une mince affaire, pourtant The Fallout s’avère désarmant dans sa franchise, ne tombant pas dans le sentimentalisme. Il reste à la fois remarquable et rafraîchissant de voir comment Megan Park refuse de fournir des réponses faciles aux questions fatalistes qu’elle soulève dans son film autour des questions de deuil et de résilience. Si, parfois, on pense à la série Euphoria – qui aborde aussi la laideur d’être adolescent au 21e siècle – il n’en demeure pas une fiction réservée à la tranche 16-25 ans. The Fallout semble prendre toute son ampleur dans l’ambiguïté, laissant au spectateur le soin de tirer ses propres conclusions à l’issue du périple émotionnel de Vada, et fait de la belle interprétation de Jenna Ortega l’un de ses atouts majeurs.