THE HIGHWAYMEN
La ficheRéalisé par John Lee Hancock – Avec Kevin Costner, Woody Harrelson, Kathy Bates…
Etats-Unis – Thriller – Sortie (Netflix) : 29 mars 2019 – Durée : 131 mn
Synopsis : La traque de Bonnie Parker et Clyde Barrow par les deux enquêteurs légendaires Frank Hamer et Maney Gault. Devant l’impuissance des techniques d’enquête de l’époque et du FBI, les deux Texas Rangers sortent de leur retraite et s’en remettent à leur instinct et leurs méthodes traditionnelles pour arrêter les criminels les plus recherchés d’Amérique. Si les hors-la-loi ont fait les gros titres, les hommes de loi sont entrés dans l’Histoire.
La critique du film
Il est souvent compliqué de passer derrière des classiques, encore plus quand le sujet traite d’un fait majeur de l’histoire d’un pays. L’histoire de Bonnie Parker et de Clyde Barrow, en particulier leur histoire criminelle dans les années 1930, fait partie de cette liste. De par leur odyssée à travers le Midwest américain, son contexte historique et social, la traque dont ils ont fait l’objet durant de longs mois, leur mort encore mystérieuse aujourd’hui dans sa préparation et son déroulé, et la mise en scène de tous ces éléments par Arthur Penn dans son Bonnie and Clyde qui a ancré définitivement ces deux personnes dans la légende du septième art ainsi que dans la mémoire collective américaine, quand bien même le film prenait de grandes libertés avec l’Histoire.
Une de ces libertés concernaient le personnage de Frank Hamer, qui dans le film n’était qu’un nigaud incompétent se faisant ridiculiser par les deux malfrats là où dans la réalité il s’agissait d’un ranger qui ne rencontra Parker et Barrow que pour les tuer. A l’époque, la famille d’Hamer intenta d’ailleurs un procès à Warner Bros pour diffamation (qui se régla par un accord en 1971) ; et à la même époque, un pitch fut proposé à différents studios pour mettre en scène la traque du Ranger. Quarante ans plus tard, ce projet, après avoir été dans les mains d’Universal, se nomme The Highwaymen et se retrouve sur Netflix, grand recycleur en chef de films qui pourrissent au sein des studios hollywoodiens, pour le meilleur (rarement) et pour le pire (souvent).
En soi, The Highwaymen aurait pu être une relecture honnête de ce pan de l’histoire américaine. En l’état, le film montre très rapidement ses limites et ne parvient jamais à convaincre. Déjà par ses limites techniques : mis en scène sans réelle inspiration, il est surtout monté comme un ersatz de Taken – on peut se retrouver avec une bonne douzaine de plans différents en à peine dix secondes pour un simple champ/contrechamp -, donnant tout d’abord un mal de tête carabiné au bout d’une heure de film mais surtout une impression de contempler une histoire factice et artificielle, là où au contraire elle aurait dû sembler crédible et dense. Mais comment réussir ceci quand le scénario ne sort jamais du chemin balisé de la fameuse dernière affaire de deux flics à la retraite qui n’ont plus rien à prouver et quand l’écriture est aussi plate que les champs champenois observés à travers la fenêtre d’un TGV Nancy-Paris ?
Si l’on ajoute à cela une durée de 135 minutes qui se fait vraiment ressentir au bout d’une petite heure, un Kevin Costner qui n’en fout pas une et que l’on secoue tous ces ingrédients très fort, on obtient un film sans âme et donc sans intérêt. Pourtant, l’histoire de Bonnie et Clyde recèle de quoi faire de grands films : intégrer leurs traques dans le contexte de la Grande Dépression (ce que The Highwaymen tente de faire rapidement en montrant un bidonville et une camionnette en référence aux Raisins de la Colère mais sans l’approfondir), montrer comment les différents hommes à la chasse du duo se tiraient dans les pattes et avaient chacun leurs propres motivations à tuer ces derniers, l’utilisation de la presse qui permet d’encenser Parker et Barrow avant de faire se retourner l’opinion publique en citant un témoin du double meurtre de Grapevine montré en début de film… Il y avait de quoi faire, largement. Mais jamais The Highwaymen ne saisit ces perches tendues pour prendre la hauteur sur son sujet, préférant s’empaler sur un piquet pour rester au ras-du-sol.
Ni un grand film, ni même un petit film
Car, et c’est peut-être ce qui le différencie d’autres mauvais films Netflix, il est aussi très largement discutable historiquement parlant. Comme écrit plus haut, Bonnie & Clyde l’était aussi ; mais le film de Penn avait un souffle dramatique qui faisait oublier ses incohérences (comme souvent au cinéma). The Highwaymen se pare d’une soi-disante crédibilité historique en montrant des photos et vidéos d’époque en fin de film (d’ailleurs, on y voit la réelle Bonnie Parker morte, attention) ; les multiples approximations et les raccourcis historiques que prend le film en ressortent donc d’autant plus : le rôle de Methvin dans la tuerie de Grapevine, alors qu’il en est le principal responsable, est zappé – le film reprenant d’ailleurs la fausse thèse d’une Bonnie Parker achevant l’officier à terre ; la haine de l’opinion publique à l’égard du duo à partir cet événement et qui n’est jamais montré dans le film ; ou encore le fameux guet-apens meurtrier pour le duo, où le film dépeint Hamer prévenant ce dernier de lever les mains alors qu’il est impossible de dire si ces événements se sont effectivement bien déroulés de cette manière. Couplé au ton très manichéen du film, l’ensemble donne donc un léger goût de révisionnisme qui pique désagréablement au fond de la gorge.
The Highwaymen n’est donc pas un grand film, ni même un petit film qui mérite qu’on s’attarde sur lui. Il semble voué à disparaître rapidement dans les profondeurs du catalogue du géant américain comme toutes ses petits camarades filmiques ou sériels, ce qui n’est clairement pas un mal. Pour la qualité, misez plutôt sur Triple Frontière sorti récemment ou encore Paddleton (déjà peu visible dans la vitrine de Netflix) ; de notre côté, il sera peut-être temps d’arrêter de s’intéresser à ce qui s’apparente plus à du contenu destiné à bourrer le crâne du consommateur pour éviter qu’il n’aille voir ailleurs.