THE HOUSE THAT JACK BUILT
Nous suivons le très brillant Jack à travers cinq incidents et découvrons les meurtres qui vont marquer son parcours de tueur en série. L’histoire est vécue du point de vue de Jack. Il considère chaque meurtre comme une œuvre d’art en soi. Alors que l’ultime et inévitable intervention de la police ne cesse de se rapprocher (ce qui exaspère Jack et lui met la pression) il décide – contrairement à toute logique – de prendre de plus en plus de risques. Tout au long du film, nous découvrons les descriptions de Jack sur sa situation personnelle, ses problèmes et ses pensées à travers sa conversation avec un inconnu, Verge. Un mélange grotesque de sophismes, d’apitoiement presque enfantin sur soi et d’explications détaillées sur les manœuvres dangereuses et difficiles de Jack.
La dernière maison sur la gauche.
« Répugnant », « insoutenable », « vomitif », « d’une violence inouïe » … Les formulations d’écœurement et autres adjectifs péjoratifs n’ont pas tardé à déferler sur la toile sitôt la projection officielle de The House That Jack Built, le nouveau film de Lars Von Trier, terminée. Il faut dire que le retour du réalisateur danois était, dès le début du festival, une vaste source de discussions et d’interrogations après l’annonce de sa sélection (in extremis) hors-compétition et le retrait de son statut « persona non grata ». D’un trailer entrecoupé de plans chocs à l’apposition d’un carré blanc sur chaque invitation mentionnant la présence de « scènes violentes », la stratégie du buzz semblait décidément bien en marche pour faire monter l’impatience dans les rangs avant une présentation « événementielle ».
Accueilli comme une rock star dans l’enceinte du Palais des Festivals (avec, à la clé, une ovation de dix minutes), Lars Von Trier n’a pas suscité le même enthousiasme à la sortie en s’attirant les foudres d’un public usé après avoir passé deux heures trente-cinq en compagnie d’un serial killer. Point d’évanouissements ou de hurlements pourtant, mais plutôt une saine colère en découvrant sur grand écran les fantasmes et les obsessions d’un cerveau malade, d’un auteur ayant sauté à pieds joints dans les méandres de son propre esprit. Tandis que meurtres, torture et mutilation se succèdent pour composer un tableau de l’horreur en cinq chapitres, deux voix viennent dialoguer sur les liens étroits unissant la violence et l’art. Lars Von Trier passe, en effet, son temps à jouer à la marelle entre réflexion, méditation et autoportrait volontiers cynique mais il s’égare seul sur un chemin boueux en cherchant délibérément à provoquer son spectateur.
Soi-disant dérangeant, The House That Jack Built ne l’est, au contraire, jamais vraiment. Comme bon nombre d’autres cinéastes avant lui, Lars Von Trier se contente d’y enfiler toutes les perles de son collier habituel en ressassant les motifs qui lui sont chers. Rien de ce qui nous est montré ne paraît inédit ou surprenant : entre ces quelques (supposés) coups d’éclats à l’irritante auto-satisfaction (une partie de chasse qui tourne mal, une séquestration plus risible que sordide), l’agacement prédomine avant tout sur le dégoût. Car le vrai problème du film n’est, en lui-même, pas ses excès graphiques (vus et revus régulièrement sur tous nos écrans quotidiens) mais bel et bien la condescendance et la suffisance d’un réalisateur persuadé de pouvoir manipuler son audience à sa guise.
Sous le masque de l’ironie, le plus perturbant se trouve dans le propos général du long-métrage. Érigeant les hommes en « victimes » de la situation actuelle (sic), le réalisateur de Nymphomaniac veut dédramatiser sa vision étriquée de la femme qu’il maltraite, une nouvelle fois, allégrement. Pour ce qui est devenu un passage obligé dans son cinéma, un préambule à une misanthropie qui contamine finalement tout, il déroule, à la suite, sa propre auto-critique avant de parsemer son discours d’auto-citations embarrassantes et d’une relecture du mythe de Faust associée à son vécu d’artiste. Alors que la coupe est déjà pleine d’une gratuité et d’une prétention qu’aucun second degré ne peut excuser, le cinéaste applique la dernière couche de son indigeste mille-feuilles en extirpant Hitler de son tiroir magique pour l’assimiler à une « icône ». La preuve ultime que, sept ans plus tard, Lars Von Trier n’a toujours pas appris la remise en question.
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