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THE IRISHMAN

Après avoir vécu de petits boulots, Frank Sheeran, d’origine irlandaise, se lie d’amitié avec Russell Bufalino. L’homme est le parrain de la pègre de Pennsylvanie. Bientôt, Bufalino le présente à Jimmy Hoffa, dirigeant corrompu des Teamsters, le syndicat des routiers américains.

Critique du film

Voyage à travers le cinéma scorsesien présenté en avant-première au Festival Lumière, The Irishman touche dans ses accents crépusculaires à défaut de totalement convaincre. De Niro, Pacino, Pesci, Keitel, ils sont venus, ils sont tous là, pour une enterrement de première classe ou pour une dernière partie de manivelle ? Pas sûr que les 200 minutes du film suffiront à éclaircir la chose. 

La structure narrative est brillante. Frank Sheeran, tassé dans un fauteuil roulant, raconte depuis son Ephad, comment il est devenu l’irlandais de la pègre. Au traditionnel récit en flashback, le scénariste Steve Zaillian ajoute un second fil rouge, le voyage des couples Sheeran et Bufalino en route vers le mariage de la fille des seconds. La voix off accompagnera toutes les temporalités que le metteur en scène et sa fidèle et non moins mythique monteuse, Thelma Shoonmaker, savent entremêler avec brio. Le road trip irrigue le film de séquences tragi-comiques où Frank apparaît déjà/encore écrasé par le fatum de l’éternel homme de main.

Défraîchis rafraîchis 

Scorsese devait relever le défi de l’incarnation des personnages à travers les âges. Il a choisi la technique du de-aging ou rajeunissement numérique. Le résultat surprend mais reste problématique. Voila Robert De Niro totalement déridé dont le masque de jouvence s’accommode mal d’un regard qui a perdu son intensité et d’une silhouette dont les mouvements demeurent contraints, la nuque raide, le pas fatigué. Ces corps anachroniques font obstacle à l’immersion dans le film qui, par ailleurs, arrive à combiner fluidité du récit et exposition des nombreux protagonistes. On notera le clin d’œil d’un maître à un autre lorsque le thème du Parrain, musique d’ambiance en mode mineur, orne la rencontre entre Frank Sheeran et Russel Bufalino, dans un restaurant.

Robert De Niro deaging
La vie de Frank prend un nouveau tournant, et le film avec, lorsque Russell l’introduit auprès de Jimmy Hoffa. Sous les traits (non numérisés) d’un Al Pacino plus électrique que jamais, le président du syndicat des camionneurs donne une nouvelle impulsion au film. Il place surtout Frank à la pointe d’un triangle, en fragile équilibre entre deux forces, deux pouvoirs, deux filiations. Le film repose alors sur cette tension dans laquelle les thèmes scorsesiens s’épanouissent : l’amitié, la loyauté, la corruption. En reliant les trois pointes du triangle, le film va pourtant finir par tourner en rond pendant une longue heure, devenir bavard et répétitif, moins fringant. La virtuosité du réalisateur, les stars à l’écran n’empêchent pas l’ennui de s’installer. 

Alors que le devenir des personnages finirait presque par nous indifférer, le film vient doucement nous tirer par la manche et nous rendre à l’émotion des derniers rendez-vous. Le rendez-vous avec son destin de Frank, puis le crépuscule d’un survivant qui trompe la solitude en laissant se disputer souvenirs et regrets. Cette émotion nous étreint avec la force d’une simple allégorie, celle d’un cinéma qui brille de ses derniers reflets, celle d’un cinéaste qui, si il n’a pas encore tout dit, referme certainement une boucle ouverte il y a plus de quatre décennies.

Une léger sentiment de tristesse nous accompagne alors que défile le générique, comme quand le gymnaste, au sortir d’une cavalcade époustouflante, rate légèrement sa réception avant de saluer. 

Bande-annonce

27 novembre (Netflix) – De Martin Scorsese, avec Robert De Niro, Al Pacino