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THE KILLER

Solitaire, froid, méthodique et sans scrupules ni regrets, un tueur attend dans l’ombre, guettant sa prochaine cible. Pourtant, plus il attend, plus il pense qu’il est en train de perdre la tête, voire son sang-froid.

CRITIQUE DU FILM 

De son propre aveu, The Killer est, pour David Fincher, l’occasion de faire un film « à la Don Siegel ». Dans cette phrase, il faut comprendre que c’est une volonté de tourner un film simple, avec une intrigue orchestrée autour de la vengeance et resserrée autour de quelques personnages. On pense immédiatement à The Killers (A bout portant), réalisé en 1967 par Siegel, où l’on suit deux tueurs professionnels partant à la recherche de leur commanditaire. Si le film de Fincher est une adaptation du Tueur (bande dessinée de Matz et Luc Jacamon), il y a donc une filiation évidente avec l’œuvre du réalisateur des Profanateurs de sépultures, jusque dans l’intrigue où l’on y retrouve quelques similarités. À la place de Lee Marvin, on trouve Michael Fassbender, engagé pour tuer un homme habitant un gigantesque appartement parisien non loin du Panthéon.

Tout comme pour Mank, réalisé en 2020, l’association de Fincher avec Netflix est donc le moyen pour lui de réaliser une sorte de fantasme cinématographique et d’épouser les contours d’un genre difficile à tourner avec de gros moyens. On peut penser que ceci constitue une première contradiction dans la conception de cette œuvre, qui se veut être un hommage à un certain courant de la série B, le film de Siegel étant à la base prévu pour être un film TV, gonflé par son casting de qualité et une production plus ambitieuse. Mais cela reste un projet au budget médian, loin des moyens colossaux dont disposent chacun des longs-métrages des grands noms signés par la plateforme de streaming. La nature même de ce nouveau film interpelle donc, et constitue une base fragile sur laquelle va naître une analyse peu aisée.

THE KILLER

L’histoire de The Killer est mince, elle se réduit à un pitch court : un tueur rate sa cible, et retrouve sa femme blessée à son retour chez lui. Son commanditaire a voulu le retrouver et se débarrasser de lui, il traque donc ses assaillants jusqu’à tous les faire disparaître. Ce résumé montre bien à quel point ce type de film use des archétypes de la série B, tout comme Quentin Tarantino avait pu le faire avec son Kill Bill (2002), dont le premier volet épousait, au moins pour ce qui est du scénario, le même type de schéma. Mais la mise en scène est tout autre, très linéaire, enchaînant les scènes de voyages et une élimination des protagonistes avec une méthode d’une grande rigueur.

La surprise dans le film vient d’une sorte de faux-semblant intervenant dès le tout début du film. Alors que l’introduction nous dirige vers une histoire verbeuse, avec un personnage principal lancé dans une logorrhée verbale ininterrompue, l’histoire retranche ses mots pour ne plus laisser qu’un mode opératoire sec où l’on regarde Fassbender exécuter froidement son plan sans qu’il ne se passe rien qui dépasse de son idée simple de vengeance. Les autres personnages lui parlent, tentent de l’humaniser, lui se contente de les regarder, à distance, sans aucune distraction qui l’éloignerait de son agenda. Sa rencontre avec Tilda Swinton est en cela éloquente, dans une autre histoire ses paroles auraient allumé un contre-feu qui aurait distrait le tueur et pousser vers la faute. Ici, il reste tendu sans jamais relâcher son attention, ne faiblissant à aucun moment.

THE KILLER

En cela, le projet de Fincher est réussi. Tout comme son tueur, il va au bout de sa logique programmatique, déroule sa pelote jusqu’à son terme et met un point final sans fioritures. C’est à ce moment que les premières réserves reviennent : avait-on besoin d’une telle débauche de moyens et d’énergie pour un projet aussi épuré ? On peut même penser à un caprice de star, qui se paye dix chansons des Smiths, un budget conséquent en soi, un beau casting, et une production déployée sur tout un pays gigantesque. C’est dans ce doute, entre réussite et le sentiment d’une esbroufe conséquente, que le film nous laisse, un peu de côté, pas vraiment convaincu, mais pas non plus déçu, tant le spectacle est efficace et bien exécuté.

Bande-annonce

10 novembre 2023 – De David Fincher, avec Michael Fassbender, Tilda Swinton et Arliss Howard.