THE SUICIDE SQUAD
Bienvenue en enfer – aka Belle Reve, la prison dotée du taux de mortalité le plus élevé des États-Unis d’Amérique. Là où sont détenus les pires super-vilains, qui feront tout pour en sortir – y compris rejoindre la super secrète et la super louche Task Force X. La mission mortelle du jour ? Assemblez une belle collection d’escrocs, et notamment Bloodsport, Peacemaker, Captain Boomerang, Ratcatcher 2, Savant, King Shark, Blackguard, Javelin et la psychopathe préférée de tous : Harley Quinn. Armez-les lourdement et jetez-les (littéralement) sur l’île lointaine et bourrée d’ennemis de Corto Maltese. Traversant une jungle qui grouille d’adversaires et de guerilleros à chaque tournant, l’Escouade est lancée dans une mission de recherche et de destruction, avec le seul Colonel Rick Flag pour les encadrer sur le terrain… et la technologie du gouvernement dans leurs oreilles, afin qu’Amanda Waller puisse suivre le moindre de leurs mouvements. Comme toujours, un faux pas est synonyme de mort (que ce soit des mains de leurs opposants, d’un coéquipier ou de Waller elle-même). Si quelqu’un veut parier, mieux vaut miser contre eux – et contre eux tous.
CRITIQUE DU FILM
James Gunn est un honnête artisan qui, sur le papier et au vu de son passé dans la série B horrifique, était un choix cohérent pour diriger une nouvelle adaptation de Suicide Squad. Enfant de la Troma, charmé un temps par les sirènes de Marvel Studios, le réalisateur – que certains considèrent comme un sale gosse du circuit hollywoodien mainstream – semble avoir effectivement eu les pleins pouvoirs sur The Suicide Squad, graphiquement malpoli et d’une vulgarité décomplexée. Certaines séquences sont bien menées, toutes les scènes d’infiltration avec Idris Elba (plutôt bon lui aussi) sont d’une grande efficacité et l’ensemble du casting s’en sort avec les honneurs. ùA défaut d’être un pur « auteur » au sens d’André Bazin que beaucoup lui trouvent pourtant, Gunn a du savoir-faire et le montre par touches.
Toutefois, il ne faut pas voir dans ces idées les pistes d’un film complètement réussi, d’une part parce que sa narration, faite d’analepses permanentes et chapitrée à la manière d’une série de comics, a du mal à se greffer à celle propre au médium cinématographique. L’anarchie du récit, sans doute voulue au vu du nombre d’allers-retours, n’existe pas en tant que telle. Elle ne fait que donner un peu plus de matière à des deus ex machinae ou enchaîner des pastilles humoristiques désacralisant toute action. La palme revient d’ailleurs à l’arc narratif majoritairement autonome de Margot Robbie / Harley Quinn, concentré moral à l’action outrancièrement découpée et à l’humour irritant. Toute sa storyline paresseuse est le poids mort du film en termes de tempo et d’impacts scénaristiques. L’ensemble assez programmatique et calqué par moments sur la structure des Gardiens de la Galaxie (Baby Shark, doublé par Stallone, n’est rien de plus qu’un Groot doublé par Vin Diesel) a du mal à tenir sur ses très longues 2h12 de métrage, et ne donne aucune autre sensation que d’être un film un peu débile, pas déplaisant par moments – toutes les séquences avec Ratcatcher sont les plus réussies et de très loin – mais un peu plus pénible sur la durée.
Transgression pour les nuls
D’autre part, le film n’est transgressif que par les effusions de sang qu’il donne à voir et des images plus gores que la moyenne des films de super-héros. Son amour des anti-héros tenus en laisse par les autorités américaines a moins de poésie ou de gravité qu’un Del Toro notamment, et le sous-texte sur le spleen héroïque – déjà aperçue dans le volume 2 des Gardiens – qu’ils amènent par leur propre existence est ici surligné de sorte à être bien plus comprise par le plus grand nombre.
De là naît un énième problème : à la fois la violence montrée n’a aucune incidence sur les personnages clés du récit et n’est donc jamais viscérale ; mais tous ces dialogues sur-écrits masquent à peine le manque d’envergure du projet, réduisant ses ambitions au minimum syndical sans aucune prise de risque et sans faire confiance à son auditoire pour y dénicher son fond. Ce qui doit être su doit être dit frontalement, rien de plus ne doit déborder du cadre et les blagues doivent fuser quitte à dévitaliser régulièrement les actions de tous ses actants.
The Suicide Squad, par ce qu’il montre et quelques blagues bien senties, parvient tout de même à être (jusqu’à présent) le meilleur blockbuster de l’été 2021 et le meilleur film à propos de cet escadron borderline. C’est dire le niveau du reste.
BANDE ANNONCE
28 juillet 2021 – De James Gunn avec Margot Robbie, Viola Davis, Joel Kinnaman
