TIR GROUPÉ
Prenant de vitesse la Criminelle, Antoine Béranger effectue une enquête parallèle pour venger la mort de son amie Carine, assassinée dans le RER par une bande de truands.
Critique du film
Premier film de Jean-Claude Missiaen, écrit en 1981 et réalisé l’année suivante, Tir groupé est dédié à Jean Gabin, acteur auquel le réalisateur avait consacré un livre en 1977. Cette admiration pour ce grand acteur français se retrouve probablement dans le choix de décors, de lieux où se déroule l’histoire : des endroits populaires qui renvoient aux films de Marcel Carné ou de Julien Duvivier, notamment par une forme de poésie mêlé à un réalisme social qui évoquent le réalisateur du Jour se lève et par le choix d’une Île de France pas forcément montrée fréquemment au cinéma et d’une noirceur qu’on trouvait chez le metteur-en-scène de Voici le temps des assassins.
Tir groupé appartient au premier abord au sous-genre du revenge movie. Il s’agit bien évidemment d’un film noir et d’une histoire de vengeance et de quête de justice, mais n’y voir que cela serait réducteur. L’histoire d’amour qui se tisse entre les personnages joués par Gérard Lanvin et Véronique Jannot, montrée en grande partie à travers des flash-back, sert à comprendre les motivations du personnage d’Antoine, bien sûr, mais ce choix de construction donne également un film aux changements de tons contrastés, original et sensible.
La représentation de la violence, crue mais jamais gratuite, s’avère réaliste, effrayante et aide à comprendre les motivations du personnage principal de ce film qui n’est nullement une apologie de l’auto-défense ou de la violence en général, mais le récit d’un homme qui bascule car il sait qu’il ne trouvera jamais ni consolation, ni répit dans sa souffrance indicible.
Autour de Gérard Lanvin et de Véronique Jannot, on trouvait un vétéran du cinéma français qui revenait après une période de moindres succès, Michel Constantin, parfait en policier investi mais dépassé par une violence du quotidien, personnifié notamment dans le trio que constituent Roland Blanche, Jean-Roger Milo et Dominique Pinon, ivres de haine et de violence gratuite. Mario David, quant à lui, composait un rôle assez différent de ceux qu’il jouait d’habitude. Collègue du personnage d’Antoine, il livrait une prestation sensible d’un homme qui ne sait comment aider un ami dans la détresse.
Jean-Claude Missiaen avait débuté comme critique de cinéma dans les années 1960, période à laquelle il a également travaillé dans le milieu théâtral. Cinéphile érudit, il partageait avec Bertrand Tavernier au moins deux points communs : il avait été attaché de presse de réalisateurs et avait participé à de nombreux suppléments de DVD ou Blu-Rays, partageant sa passion et ses connaissances. Il fit d’ailleurs tourner un autre cinéphile français célèbre : Eddy Mitchell à qui il confia un des deux rôles principaux, avec celui de Gérard Lanvin dans son deuxième film : Ronde de nuit. Décédé en octobre 2024, environ un mois après Pierre-William Glenn, avec lequel il avait donc travaillé à plusieurs reprises, Jean-Claude Missiaen appartenait à cette famille de passeurs qui savait s’effacer derrière le talent des autres et qui prenait plaisir à faire découvrir les films qui l’avait marqué.