TOLL
Suellen, une employée de péage, utilise son travail pour aider une bande de voleurs à dérober des montres afin de pouvoir envoyer son fils dans un atelier de conversion homosexuelle.
Critique du film
Toll est le second long-métrage de la brésilienne Carolina Markowicz, qui avait par ailleurs remporté la Queer Palm du court-métrage en 2018 avec le touchant L’Orphelin, dont le rôle-titre était interprété avec beaucoup de sensibilité par le jeune Kauan Alvarenga. La réalisatrice et l’acteur se retrouvent ici pour aborder de nouveau le thème de l’intégration des personnes LGBT+ au sein de la société brésilienne, à travers l’histoire d’une mère de la classe populaire qui va tremper dans la délinquance pour payer une thérapie de conversion à son fils homosexuel de 17 ans.
Carolina Markowiks choisit d’aborder son sujet en se focalisant davantage sur la mère que sur l’adolescent. Si le jeune homme subit l’homophobie ordinaire, il n’en est pas moins à l’aise avec son orientation sexuelle, se revendiquant queer jusque sur les réseaux sociaux. Sa mère, elle, apparaît comme profondément affectée par l’homosexualité de son fils, poussée dans ses certitudes par une collègue de travail très croyante. Convaincue du bienfait de sa démarche, elle agit, sous la pression de la société, pour sauver son fils du regard de celle-ci, au point d’être aveuglée et de ne plus écouter son propre enfant. La rupture de communication est au cœur de la relation entre cette mère et son fils qui, par ailleurs, conservent des liens affectifs forts, comme le montre notamment une scène touchante où l’on comprend que l’adolescent a accepté la thérapie uniquement par amour pour sa mère.
Pour évoquer le rapport de la société brésilienne avec la communauté LGBT+, Carolina Markowiks ancre son film dans un réalisme social très marqué, au point parfois d’ailleurs de s’y noyer, en cherchant à développer son sujet de manière quasi exhaustive. Pour autant, Toll reste particulièrement intéressant quand il met la société face à ses contradictions morales. La mère est gênée par l’homosexualité de son fils mais cela ne lui pose pas de problème de verser dans la délinquance. De même si sa collègue croyante la pousse à faire « guérir » son fils, on finira par découvrir qu’elle ne respecte pas elle-même la morale chrétienne. Ce qui est tout aussi intéressant, c’est la manière dont, au milieu de l’atmosphère très réaliste du film, les séquences de thérapie de conversion détonnent. Elles apparaissent comme surréalistes et prêteraient même à rire si elles n’étaient pas inspirées de « cures » réelles, encore très courantes dans le pays et sur lesquelles la cinéaste s’est beaucoup documentée. Ainsi, ce n’est pas le sourire qui survient en les regardant mais plutôt l’effroi le plus total. De même, si la fin aurait mérité d’être plus développée au regard de la richesse de l’ensemble du récit, elle apparaît comme assez maline, en montrant la vacuité des thérapie de conversion et en inversant la dynamique de la relation mère/fils.
Toll, malgré son ambition un peu trop grande, interroge de manière intelligente l’intégration de la communauté LGBT+ dans la société brésilienne à travers le prisme intime d’une relation complexe mais touchante entre une mère et son fils, incarnés par les très justes Maeve Jinkings et Kauan Alvarenga.
1er juin 2024 – De Carolina Markowicz, avec Maeve Jinkings, Thomas Aquino, Isac Graça