TOMMASO
Tommaso, un artiste américain, vit à Rome avec sa femme Nikki, et leur fille DeeDee. Ancien junkie, il mène désormais une vie rangée, rythmée par l’écriture de scénario, la méditation, les réunions aux AA, l’apprentissage de l’italien et son cours de théâtre. Mais Tommaso est rattrapé par sa jalousie maladive. À tel point que réalité et imagination viennent à se confondre.
Critique du film
Ce projet avait sur le papier de quoi intriguer : un film miroir tourné à Rome dans son propre appartement avec Willem Dafoe en alter ego (désaltère ego serait-on tenté d’écrire), Cristina Chiriac et Anna Ferrara, compagne et fille du réalisateur. Hélas, il se révèle vite embarrassant. Tommaso est un autoportrait de l’artiste en crise perpétuelle, non dénué d’une indiscutable sincérité, qui cherche une vérité en rendant indiscernable la fiction de la réalité. Quelque chose entre le documenteur et le cocumentaire.
Willem Dafoe constitue un double avantageux de Ferrara, beau sexagénaire au corps souple entretenu par la pratique du yoga. C’est précisément dans ce décalage entre le côté lumineux de l’acteur et le côté obscur du metteur en scène que le film est problématique. Tour à tour doux, sensible, sincère, fragile, inquiet, enragé, jaloux, impatient, Willem Dafoe crève l’écran en donnant chair et esprit à ce Tommaso libéré de ses addictions mais pas vraiment de certains démons.
Ferrara regarde Dafoe en le filmant et accapare la place du spectateur. Pour preuve ces deux scènes où la caméra apparaît dans des reflets, brièvement une première fois dans un rétroviseur de voiture, assez grossièrement une seconde fois dans le reflet d’une porte-fenêtre. Soit c’est involontaire et c’est gênant, soit, plus probablement, ça ne l’est pas et c’est complaisant. Que le couple fasse l’amour ou se dispute, l’oeil de Ferrara, entre la scène et le spectateur fait obstacle. Plus le film avance et plus l’impression malaisante d’assister à une thérapie prend le dessus. Les séquences onirico-paranoïaques n’y changent rien.
Le cinéma de Ferrara n’est-il plus que maladresse ? Après l’abjecte scène de Pasolini qui montrait le corps du poète littéralement écrasé, la crucifixion de Tommaso semble à nouveau courir après un parfum de scandale aujourd’hui dérisoire. Le cinéma, entre pêché et piété, a su être sulfureux, il ne réussit aujourd’hui qu’à véhiculer une imagerie voyeuriste et concupiscente. La sobriété malheureuse.
Bande-annonce
8 janvier 2020 – De Abel Ferrara, avec Willem Dafoe