TOUT LE MONDE AIME JEANNE
Critique du film
Tout le monde aime Jeanne. Mais cette assertion, longtemps valable, résiste peut-être moins aux affres de la vie adulte. Populaire lors de sa scolarité, elle pensait que sa vie allait prendre un sacré tournant grâce à son projet écologique Nausicaa : un engin dernier cri censé nettoyer les mers et océans de leurs déchets plastiques. Déjà les grandes formules superlatives résonnent et la qualifient de « femme de l’année ». Mais la gloire est de courte durée puisque l’opération vire au fiasco et Jeanne se retrouve criblée de dettes, lâchée par ses investisseurs. Contrainte de se rendre à Lisbonne, elle doit se faire une raison et vider l’appartement de sa défunte mère pour le placer en vente et rembourser ses créanciers.
Récompensée pour ses courts-métrages, aux César et à Venise, la réalisatrice Céline Devaux avait envie de parler d’expatriation pour son premier long métrage, elle qui a grandi hors de France, mais aussi de l’anxiété individuelle face aux injonctions et aux doutes qui nous possèdent souvent. Dans un monde où la circulation de l’information est indomptable et omniprésente, il est désormais difficile d’envisager l’avenir de façon sereine sur une planète au bord de la guerre mondiale et du désastre climatique. Cet état d’angoisse permanente parasite l’existence de Jeanne, surgissant à l’écran sous forme de passages animés qui brisent le quatrième mur pour signifier ses questionnements et ses pensées toxiques auto-dépréciatives.
Tout le monde aime Jeanne est ainsi une comédie sur la dépression qui raconte avec une certaine fantaisie ces tracas qui nous traversent lors d’une période de trouble existentiel. Jeanne a toujours eu une relation contrariée avec sa mère, qui ne lui a jamais verbalisé son amour, craint énormément de ne pas être à la hauteur et s’est construit une carapace de sarcasme pour maintenir les autres à distance. L’arrivée dans sa vie de cet ancien camarade va bousculer ses habitudes. Envahissant, déroutant et souvent hors-sol, cet homme va finalement fissurer son bouclier pour trouver une place de plus en plus importante dans ses pensées alors qu’elle tente de s’émanciper de ses fantômes (familiaux, sentimentaux). Sa liberté de ton et d’action, sa manière d’exprimer sans filtre et sans complexe son rapport à la vie et au travail, mais également ses épreuves personnelles et ses tourments, vont être une bouffée d’oxygène pour Jeanne qui, elle, a peur de tout. Et le long-métrage de Céline Devaux dérive, doucement mais sûrement, vers une comédie romantique qui se ponctuera de la plus délicate des façons, lors d’une déambulation urbaine.
Bande-annonce
7 septembre 2022 – De Céline Devaux, avec Blanche Gardin, Laurent Lafitte, Maxence Tual