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TROPPO AZZURRO

Dario est un étudiant obsédé par l’inaccessible Lara. Un soir, après une petite blessure de cuisine, il rencontre Caterina dans la salle d’attente du service des urgences.

Critique du film

Scénariste, réalisateur et comédien principal, Filippo Barbagallo n’a pas fait les choses à moitié pour son premier long métrage, Troppo Azzurro, une comédie sentimentale estivale et douce amère, autour de la difficulté de s’engager.

Coincer la bulle dans ta bulle

Le film nous offre une balade romaine à bicyclette, un soir d’été, alors que le générique défile. Il y a pire invitation à la détente. Dario musarde sur les rives du Tibre comme dans la vie. Une thèse en architecture est en route, elle semble mijoter à feu très doux, prétexte idéal pour enfin ne pas accompagner ses parents en vacances. Débarrassé pour quelques semaines des étouffantes affections familiales, Dario va pouvoir rêver à loisir de croiser la belle Lara. Barbagallo se place sans ambiguïté dans l’héritage de la comédie à la Woody Allen avec son personnage de binoclard froussard, aussi attachant qu’agaçant. Voilà pour l’emploi, côté physique, rien à voir avec l’avorton de Manhattan, il faut plutôt imaginer une improbable synthèse entre Hugh Grant et Arnaud Montebourg.

Le premier repas que doit se préparer Dario finit aux urgences avec une brûlure au premier degré. C’est là qu’il rencontre Caterina. Il s’est brûlé la main, elle s’est foulé la cheville, il a un chien, elle a un chat, ils ont l’été devant eux pour dresser la liste de leurs complémentarités. Pendant une demi-heure, le film joue le jeu charmant de la romance estivale sans nuage, que Barbagallo agrémente de petites trouvailles visuelles pleines de fantaisie et d’une douce sensualité : un fondu entre jeu vidéo et réalité, le format de l’image qui se plie aux échanges par textos, un super split screen des amants au lit éclaté en 9 vignettes. Cette représentation en mosaïque du couple pourrait bien anticiper une incomplétude. Au moment de rejoindre Caterina à la gare, Dario se terre, portable éteint, caché sous son drap. Un enfant capricieux. Exit la brune piquante.

Les amours estivales ne sont pas plus roses pour Sandro, l’ami fidèle, qui rougit dangereusement et se languit aux côtés de Carlotta. Dario le rejoint et chacun se console comme il peut du malheur de l’autre. On se promet sans y croire, de consacrer l’été prochain à l’amitié.

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Immature et lâche

Sur le bateau de retour à Rome, Dario lit Le Guetteur de Vladimir Nabokov et se met à observer ses contemporains en s’identifiant sans difficulté à ce personnage indéterminé. Quand soudain, Lara apparaît au ralenti dans son champ de vision. L’inaccessible Lara, après quelques mésaventures automobiles, succombe à son tour au charme flou de Dario et l’été resplendit à nouveau. Jusqu’à ce qu’elle lui propose de l’accompagner au Portugal. Le départ sonne pour Dario à nouveau comme un engagement et un arrachement.

Sous la légèreté de la comédie sentimentale, Filippo Barbagallo dresse le portrait d’un homme immature et lâche. Dario a probablement tant idéalisé l’amour (il avoue sans complexe son inexpérience) qu’il est incapable d’être à la hauteur d’une relation « sérieuse ». Comme une bulle de savon qu’il préfère transpercer avant qu’elle ne lui pique les yeux. Troppo azzurro ou le syndrome de l’éternelle insatisfaction, puisque l’été finira, autant se préparer à ouvrir le parapluie. Avec Filippo Barbagallo, il est possible que le cinéma italien ait trouvé son Emmanuel Mouret. Il faudra sans doute dégrossir le trait (le film est noyé sous un déluge de musique) et s’oublier un peu mais voilà une belle promesse que l’on prendra plaisir à voir mûrir.


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