TULLY
Marlo, la petite quarantaine, vient d’avoir son troisième enfant. Entre son corps malmené par les grossesses qu’elle ne reconnaît plus, les nuits sans sommeil, les repas à préparer, les lessives incessantes et ses deux aînés qui ne lui laissent aucun répit, elle est au bout du rouleau. Un soir, son frère lui propose de lui offrir, comme cadeau de naissance, une nounou de nuit. D’abord réticente, elle finit par accepter. Du jour au lendemain, sa vie va changer avec l’arrivée de Tully…
Femme au bord de la crise de nerfs.
Sitôt dépassé Young Adult, on avait laissé Jason Reitman en pleine chute libre après l’avoir vu s’embourber gentiment dans les limbes du film indépendant entre essai sociologique malhabile (Men, Women & Children) et drame domestique contrit (Last days of summer). Revenu vers le style et le ton défendus depuis Thank You For Smoking en 2005 (avec, comme acmés, les réussites représentées par Juno et Up In The Air), le réalisateur canadien s’est finalement décidé à retrouver Diablo Cody, sa scénariste fétiche, afin de poursuivre une trilogie des étapes existentielles entamée il y a déjà onze ans. Après l’adolescence (Juno) et la crise d’immaturité (Young Adult), le tandem s’intéresse aujourd’hui aux affres de la maternité et aux inévitables renoncements qui l’accompagnent en explorant le burn-out post-partum d’une quadragénaire à bout de souffle.
Alors qu’elle s’était égarée dans une série de projets oubliables, voire médiocres (Blanche-Neige et le chasseur, Fast & Furious 8, The Last Face ou Atomic Blonde), Charlize Theron opère ici une étonnante renaissance la ramenant au niveau de sa brillante prestation dans Monster de Patty Jenkins en 2003 (lui ayant valu, cette année-là, l’Oscar de la meilleure actrice). Dans Tully, elle replace enfin son talent au service d’un rôle important, faisant siens des dialogues et des situations loufoques qu’elle embrasse avec une ferveur et un second degré toujours percutants. Méconnaissable en mère de famille usée jusqu’à l’ongle, elle personnifie frontalement le corps éprouvé d’une femme après trois grossesses en se dévoilant sous un jour peu commun devant la caméra. On ne peut pas en dire autant du côté de Jason Reitman et de Diablo Cody qui, malgré une indéniable volonté de dynamiter la vision policée de l’enfantement, se contentent souvent de réciter leurs gammes et d’épouser, à chaque pas, les rails de la comédie dramatique.
Rien ne nous est pourtant épargné dans l’enchaînement de détails où rééducation du périnée rime avec nuits blanches, couple proche de l’implosion et quotidien réglé sur le métronome infernal de la vie familiale. En égratignant au passage – ce qui ne peut faire de mal dans une époque où l’on persiste à montrer du doigt les femmes qui ne veulent pas d’enfant – l’idée d’une maternité pleinement épanouissante, Jason Reitman laisse entrevoir la possibilité que l’accomplissement d’une vie puisse se trouver ailleurs suivant le choix de chacune. Il aurait, dès lors, fallu en rester à ce constat novateur à l’écran et non pas s’entêter dans une imagerie nostalgique de la jeunesse où le duo formé par Charlize Theron et Mackenzie Davis (elle aussi formidable) devient le principal handicap du film alors qu’il en était l’atout majeur. Las, les révélations finales sonnent comme l’affichage à gros traits des moindres subtilités disséminées par le long-métrage et le ramènent sur l’étagère ordinaire des dramédies sans grande envergure.
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