UN MÉTIER SÉRIEUX
C’est la rentrée. Une nouvelle année scolaire au collège qui voit se retrouver Pierre, Meriem, Fouad, Sophie, Sandrine, Alix et Sofiane, un groupe d’enseignants engagés et soudés. Ils sont rejoints par Benjamin, jeune professeur remplaçant sans expérience et rapidement confronté aux affres du métier. À leur contact, il va découvrir combien la passion de l’enseignement demeure vivante au sein d’une institution pourtant fragilisée.
Critique du film
Après avoir dévoilé avec brio et véracité les différentes facettes de la vocation de soignant, mettant en scène les épreuves qui composent le parcours du corps médical et illustrant le désengagement progressif de l’État, Thomas Lilti effectue une passerelle assez légitime et se penche sur un autre service public tout aussi indispensable, lui aussi délaissé par les gouvernements successifs : l’enseignement. Souhaitant explorer un autre univers après Hippocrate (le film et la série), Médecin de campagne et Première année, le réalisateur raconte par le biais d’une narration éclatée la vie d’une équipe de professeurs d’un collège de la région parisienne. Pour cela, il conserve un même angle, une problématique similaire : comment trouver du sens dans l’exercice d’une profession de plus en plus décriée et paupérisée ? À travers le quotidien scolaire et l’existence en dehors des murs de cette troupe d’enseignants, il s’efforce de mettre en lumière ce qui fait le sel de leur engagement, malgré les découragements et l’impact qu’il peut avir sur leur vie privée.
Un métier sérieux débute ainsi au sein de l’établissement, présentant les différentes personnalités (la jeune enseignante passionnée qui aspire à plus de reconnaissance, le vieux prof un peu blasé, la prof de SVT proche du burn-out..), avant de nous faire rencontrer Benjamin (Vincent Lacoste), remplaçant contractuel envoyé du jour au lendemain dans le grand bain et sans formation – ni accompagnement. Heureusement, à l’image de ce qu’il se passe véritablement dans le primaire et le secondaire depuis plus de deux ans, le ministère comptant clairement là-dessus, la solidarité des enseignants lui permet de récolter quelques bons tuyaux pédagogiques et lui offre un sentiment de ne pas être seul dans cette galère.
#PasDeVagues
Et pourtant, le navire tangue, de plus en plus, la faute à des pouvoirs publics qui réduisent chaque année davantage les budgets. Ainsi, il faut faire avec les moyens du bord et composer avec des moyens humains et matériels de plus en plus dégradés. C’est tout l’art de l’entraide et la débrouille des profs qu’illustre remarquablement Thomas Lilti dans Un métier sérieux. Le gros atout de son quatrième film réside en effet dans sa peinture remarquablement pertinente du monde enseignant et dans le constat sans appel qu’il dresse – tout en rendant formidablement hommage à cette profession déclassée. Rarement, le quotidien des profs, leur investissement, leurs failles et leurs frustrations, n’auront été aussi bien mis en images – sans parler de la défaillance d’une hiérarchie qui ne pense qu’à se couvrir, ou préfère rabaisser ses effectifs plutôt que de les accompagner. Rien que pour ça, Un métier sérieux tombe à point nommé et permet de redonner un peu ses lettres de noblesse à ce qui fut jadis « le plus beau métier du monde ».
S’appuyant sur des interprètes reconnus (peut-être un peu trop ?), comme les toujours impeccables Adèle Exarchopoulos et Vincent Lacoste, le sempiternel irascible François Cluzet, la touchante Louise Bourgoin, mais aussi sur Lucie Zhang, la formidable révélation que l’on est ravis de retrouver après Les Olympiades, Un métier sérieux suit cette troupe de profs qui s’efforcent de colmater les brèches béantes de l’Éducation Nationale au sein d’une société en plein délitement. S’il peine peut-être à nous marquer durablement, en s’efforçant de rentrer dans un format rassembleur, le film a le mérite de donner un coup de balai bienvenu dans la poussière (trop longtemps cachée sous le tapis) au sein de cette institution archaïque qui ne semble toujours pas avoir basculé au 21e siècle. Son dernier segment nous laisse avec une inquiétante interrogation : à trop vouloir tirer sur la corde, ne finit-elle pas irrémédiablement par lâcher ?
Bande-annonce
13 septembre 2023 – De Thomas Lilti, avec Vincent Lacoste, François Cluzet, Adèle Exarchopoulos