UNBELIEVABLE | La série glaçante et indispensable de Netflix
Unbelievable, la nouvelle mini-série policière de Netflix, est inspirée d’une histoire vraie révélée par deux journalistes américains, T. Christian Miller et Ken Armstrong, dans un article publié sous forme de livre en 2018 : An Unbelievable Story of Rape – un ouvrage d’ailleurs récompensé du Prix Pulitzer.
L’histoire se déroule entre 2008 et 2011 alors que de nombreuses agressions sexuelles sont commises entre Seattle et Denver, perpétrés par un ancien combattant de l’armée habitant dans l’État de Washington. Mais ce qui intéresse Susannah Grant, la créatrice de la série avec Sarah Timberman et Michael Chabon, était de mettre en lumière l’histoire de sa première victime, Marie, une jeune femme de 18 ans qui, après s’être rendue à la police pour raconter son agression, s’est retrouvée dans une position telle que les policiers l’ont conduite à retirer sa plainte.
« Un récit glaçant »
Cette mini-série de huit épisodes d’une durée moyenne de 45 minutes mêle le thriller policier et le drame, et frappe fort, d’emblée. Dès les premières minutes, le récit est glaçant. Et la dimension féministe interpelle. Car il devient vite évident que Susannah Grant souhaitait dénoncer le manque de compétence et de compassion pour les victimes de la part de des forces de l’ordre, pas toujours aptes à recevoir de tels témoignages, mal formés ou peu réceptifs. Ce manque de reconnaissance, pour les victimes, devient dévastateur – au point de créer un second traumatisme après l’acte atroce subi du fait de l’agresseur.
Mais Unbelievable est aussi une réussite dans l’écriture de ses personnages qui illustrent les différentes façons dont les victimes tentent de traverser cette épreuve. Derrière la façade et la volonté de nier ce qu’il lui est arrivée parce qu’elle ne peut avoir confiance en personne, Marie ne va pas bien et le monde qui l’entoure s’écroule peu à peu, ses amis s’éloignant, ses proches doutant et sa vie professionnelle devenant de plus en plus problématique. De leurs côtés, Lilly demeure cloîtrée chez elle tandis qu’Amber (touchante Danielle Macdonald) s’oublie dans les relations sexuelles sans lendemain.
Au delà de sa dimension presque pédagogique, Unbelievable est une série addictive et remarquablement bien conçue s’appuyant sur les talents scénaristiques de ses auteur.e.s mais aussi sur la réalisatrice Lisa Cholodenko (The kids are alright, The L word) à la barre des trois premiers épisodes.
À l’écran, Kaitlyn Dever – l’actrice révélée dans States of Grace aux côtés de Brie Larson et vue récemment dans Booksmart et Detroit – incarne formidablement la vulnérabilité de Marie, une jeune femme complexe avec des antécédents difficiles qui n’adopte pas le comportement « attendu » d’une victime d’agression sexuelle. Très justement, la série questionne les idées préconçues entourant ce à quoi nous nous attendons des victimes de viol.
« Un épilogue bouleversant »
Merritt Wever et Toni Collette campent deux détectives qui s’associent pour faire tomber ce violeur en série, et s’affirment en tête d’affiche d’une distribution très féminine où chacune semble avoir approcher son rôle avec le soin et la nuance nécessaires à l’adaptation de cette histoire pour l’écran. Elles relèvent le défi primordial de faire justice à ce récit en l’honneur de celles qui l’ont vécu, mais aussi pour toutes les autres femmes qui ont traversé ce genre d’épreuves dans leur existence.
Mais enfin, et surtout, Unbelievable réussit là où de trop nombreuses fictions (TV ou ciné) ont parfois échoué, évitant le manichéisme et fouillant le positionnement systémique vis à vis du viol. La série s’efforce de raconter l’ampleur du travail émotionnel effectué par les enquêteuses dans des cas délicats d’agression sexuelle (en évoquant en creux leurs rapports à leurs homologues masculins) et aborde les pièges d’un système judiciaire qui s’incline infailliblement en faveur des coupables, sans tomber dans la dénonciation. Un peu plus d’un an après #BalanceTonPorc et #MeToo, Unbelievable offre une piqûre de rappel nécessaire quant au manque de fiabilité de la loi et de l’ordre.