VICE
La ficheRéalisé par Adam McKay – Avec Christian Bale, Amy Adams, Steve Carell…
Etats-Unis – Biopic politique – Sortie : 13 février 2019 – Durée : 132 mn
Synopsis : Fin connaisseur des arcanes de la politique américaine, Dick Cheney a réussi, sans faire de bruit, à se faire élire vice-président aux côtés de George W. Bush. Devenu l’homme le plus puissant du pays, il a largement contribué à imposer un nouvel ordre mondial dont on sent encore les conséquences aujourd’hui…
La critique du film
Après le ratage quasi total que fut The big short, dire que l’on attendait Adam McKay au tournant ne relève pas de l’euphémisme. Alors, quand il décide de s’attaquer façon Loup de Wall Street à l’une des figures politiques américaines les plus controversées des Etats-Unis, l’attente se transforme en méfiance. Deux risques : le vernis du glamour qui créé une icône pop autour d’une personnalité fortement contestable, ou le fardeau du manichéisme qui étouffe le propos dans une diatribe à sens unique.
Mais rapidement, Adam McKay rassure. Oui, Vice ne sera pas dénué d’humour mais il ne dressera un portrait ni à charge, ni binaire. Il injecte vaillamment une piqure de rappel satirique en dépeignant le politicien et homme d’affaires comme un redoutable opportuniste, discret et privé, avec la prodigieuse capacité à tirer parti de toute situation pour consolider son pouvoir et positionner ses pions sur l’échiquier politique.
Président fantôme
Il ne se prive pas non plus de tirer à boulets rouges sur Cheney et de s’attaquer au remarquable édifice de pouvoir qu’il a pu bâtir en s’engouffrant dans les brèches du système. Devenant pratiquement le président fantôme, il tire les ficelles de l’administration de George W. Bush afin d’assurer les intérêts commerciaux américains (y compris ceux de sa propre compagnie, Haliburto) grâce au principe de l’exécutif unitaire, sorte d’idéal pour assouvir le désir de contrôle de Cheney.
Même si cela pourrait faire tiquer quelques esprits chagrin, Vice n’est pas dépourvu d’empathie envers Dick Cheney. Une preuve de son intelligence est qu’il évite de s’embourber dans la caricature, le présentant aussi comme un époux à l’écoute et un père de famille protecteur face aux efforts du parti républicain pour diaboliser la communauté gay – jusqu’à un certain point.
Dans son entreprise de divertissement instructif, McKay profite de son casting impressionnant capable de s’effacer derrière les personnages historiques qu’ils campent. Nul besoin d’évoquer la nouvelle transformation physique de Christian Bale, son maniement rigoureux de la diction du bonhomme et de ses attitudes forcent l’admiration. Face à lui, Amy Adams est tout aussi remarquable dans les tailleurs de l’ambitieuse Lynne, son épouse. Tous deux apportent cette nuance et cette profondeur qui auraient pu manquer à ce flashback satirique. Plus en retrait, mais irréprochables, Steve Carell (en Donald Rumsfeld, le mentor de Cheney) et Sam Rockwell (convaincant en George W. Bush) complètent cette belle distribution au service d’un récit politique et historique savamment bâti jusqu’à cet épilogue édifiant à vous procurer des sueurs froides lorsqu’on saisit avec sidération les répercussions de ces années sur la situation actuelle, économique comme géo-politique.
Biopic sarcastique, charge féroce et tragi-comédie accrocheuse, Vice retrace autant un parcours politique qu’un pan important de l’histoire américaine et mondiale de ces soixante dernières années.