VIVRE SA VIE
Pour boucler ses fins de mois et lutter contre l’ennui, Nana, vendeuse dans un magasin de disque, décide de se prostituer.
JLG et Anna K.
Signant plusieurs belles collaborations pendant six ans, Vivre sa vie n’en reste pas moins l’un des plus beaux films du duo Jean-Luc Godard/Anna Karina. Un film interdit au moins de 18 ans à l’époque et dont la pudeur fait aujourd’hui sourire. À travers douze tableaux, Jean-Luc Godard livre un portrait précis de la prostitution, extrêmement documenté. Le cinéaste y filme Anna Karina comme sa femme, son amante, sa muse. Affublée d’une coupe de cheveux reconnaissable entre mille, les grands yeux de l’actrice croiseront plusieurs fois le regard du spectateur tandis que s’enchaineront les rituels entre la prostituée et ses clients. C’est sur l’actrice, qui incarne Nana (anagramme d’Anna), que repose Vivre sa vie. Une Nana iconique, à l’accent prononcé, cigarette aux lèvres.
Il serait hypocrite de ne pas reconnaître que les années 60 plaident en faveur de Vivre sa vie. On y reconnait Paris, ses mythiques cafés dans lesquels les cigarettes pouvaient être fumées en intérieur, sa célèbre architecture et ses appartements au charme certain. Nana y évolue comme une âme en peine, assoiffée par l’appât du gain d’un métier du sexe mêlé à une forte envie de tomber amoureuse. Car Nana vit de ses rêves, veut devenir une grande actrice, pleure à chaudes larmes devant La Passion de Jeanne d’Arc de Carl Theodor Dreyer tandis que s’affiche à l’écran “La mort.”.
À la musique, les spectateurs retrouveront Michel Legrand. Le compositeur, toujours dans les bons coups (c’est à lui que l’on doit les bandes originales de Cléo de 5 à 7, Les Demoiselles de Rochefort, Peau d’âne…), offre à Vivre sa vie une dimension mélancolique, bercée par des notes de piano accompagnées de violons. Au fil des douze tableaux, Jean-Luc Godard signera parmi les plus belles scènes du septième art. Nana dansant sur Ma Môme de Jean Ferrat, lancé par lui-même sur un juke-box, Nana faisant de la philosophie sans le savoir, Nana appuyé contre un mur, dans la rue, racolant les clients. Jean-Luc Godard, dont le couple avec Anna Karina est en plein naufrage, fera tout pour reconquérir cette dernière en signant Vivre sa vie.
Plus que jamais, l’oeil caméra posé sur l’actrice est celui d’un homme amoureux. Pilier du cinéma de la Nouvelle Vague, Vivre sa vie est de ces films indispensables, trônant en bonne place dans la vidéothèque des cinéphiles.