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VOYAGE EN KABYLIE

Zahir, qui vit dans un petit village de Kabylie, découvre à la mort de son père l’existence d’un frère en France, Mathieu. Il l’invite dans son pays où il lui demande de ne rien dire à leur soeur Lamia, qui cherche à en savoir plus. 

Critique du film

Éloge de la rencontre, Voyage en Kabylie est un film-pont qui construit un dialogue comme on dessine un chemin. Mathieu pose son sac à dos à Iguersafène, petit village de montagne, dont le nom kabyle Agarsafen signifie « entre les rivières ». Zahir et Mathieu ont grandi loin l’un de l’autre sans savoir qu’ils avaient un père en partage. Ouvrier aux usines Renault de Boulogne Billancourt, cet homme a vécu dédoublé, une famille quelque part, une histoire d’amour autre part. Ni véritablement ici, ni ailleurs, la plupart du temps absent aux siens. Le film procède par blocs de conversations au cours desquelles les plaies de l’Histoire constituent la toile de fond d’une aventure familiale écrite en pointillés. 

La force du lien

Le film exprime avec beaucoup de conviction la force du lien, le jaillissement de lumière que la rencontre permet. Ainsi de ces dialogues (dont il faut souligner le naturel) émerge un portrait du père, ombre portée sur un passé recomposé. Si l’écoute est au centre du film, le regard que Mathieu porte sur cette terre est plein de promesses. Le village est filmé dans une quiétude qui contraste avec les souvenirs de ses habitants. Les comités de légitime défense mis en place pendant la décennie noire. Plus lointaines mais toujours à vif, les cicatrices de la guerre d’indépendance racontées par une grand-mère dont la mari fait partie des 99 martyrs commémorés par une banderole souvenir à l’entrée du village.

Naviguant entre documentaire et fiction, Voyage en Kabylie se nourrit des forces locales (magnifiques femmes algériennes, gardiennes des foyers et des mémoires) pour imaginer un récit de la considération, sans oeillères ni complaisance. Les deux réalisateurs ont réussi à faire de nécessité vertu, traduisant une économie de moyens (le film est auto-produit) par une réalisation sobre mais soucieuse du détail (la prise de son contraint parfois à tendre l’oreille). Mathieu est joué par le co-réalisateur Mathieu Tuffreau, dont le regard et le ton évoquent de manière troublante le grand Sami Frey. On ne dit rien ici de Lamia (Lamia Zerioul, d’une lumineuse timidité) personnage qui hérite du poids symbolique du partage. Le regard qu’elle porte sur l’horizon est une assurance autrement plus réconfortante que celles dont Mathieu fait le métier de vendre.

Bande-annonce

24 juin 2020 – Réalisé par Hace Mess et Mathieu Tuffreau


NB : Le film n’est pour l’heure distribué qu’à Paris au Saint-André des Arts.