WAHOU !
Critique du film
Après Les 2 Alfred, jolie fable contemporaine sortie dans la période très particulière de réouverture post covid des cinémas au printemps 2021, les amoureux du réalisateur, au rang desquels nous nous comptons, se réjouissaient à l’idée de se replonger si vite dans son univers tendre et malicieux. Hélas, avec Wahou !, Podalydès livre une comédie immobilière bien paresseuse. Malgré quelques saynètes au charme fugitif, la déception l’emporte largement.
Deux conseillers, deux biens immobiliers et des visites, beaucoup de visites, pour une comédie de situations répétitive et mollassonne. On retrouve certes le goût du réalisateur pour croquer la petite envergure, l’échec latent voire le sentiment d’imposture mais cette fois le trait est plutôt grossier et sans éclat. On sourit quand Oracio déroule et enjolive, au fil des visites, la fiche Wikipédia d’un aviateur ayant habité la maison. Le film gagne même un peu d’épaisseur avec le temps, dans sa façon de confronter les lieux aux différents regards et d’opposer à l’exaltation des visiteurs la dépression de ses agents immobiliers, incapables de conclure la moindre vente. Pour le reste, le film brille par son absence d’originalité. L’insistance du jeu sur les « wahou » prononcés sur tous les tons devient vite gênante mais surtout le film semble n’avoir rien à proposer d’autre qu’une mécanique vide de sketches inégaux.
À l’ombre de Resnais
On retiendra, parmi les bonnes pioches, une introduction plutôt inspirée avec Agnès Jaoui et sa petite bande de musiciens qui enchante les lieux avant de déchanter, une bougie providentielle à l’effigie de Sainte Rita et l’immarcescible pétulance de Sabine Azéma (on n’en dira pas autant d’Eddy Mitchell, fatigué et fatigant) dont la présence a le double effet de rendre chacune de ses apparitions enthousiasmantes et de rappeler que le film marche maladroitement, pour ne pas dire cruellement, dans les pas d’un autre film. Dans l’immense Coeurs d’Alain Resnais, les agents immobiliers qu’interprétaient Isabelle Carré et André Dussollier étaient pris dans une ronde métaphysique qui révélait les petits névroses et les grandes solitudes de chacun des protagonistes.
Bruno Podalydès avait lui-même collaboré au projet en réalisant les séquences télévisées intégrées au récit. Ici, les personnages se suivent, les scènes semblent avoir été écrites pour favoriser un défilé de comédiens, d’Isabelle Candelier à Roschdy Zem, de Denis Podalydès à Claude Perron mais rien ne se compose vraiment et la frustration l’emporte sur l’émotion. Pour donner une ampleur de la déception, ce qui est le plus réussi dans Wahou !, ce sont les plans de transition, détails isolés des lieux accompagnés par les notes de piano de Schubert et Bach. L’honnêteté nous oblige à souligner également qu’on n’a pas vu Karin Viard aussi sobre et juste depuis longtemps.
Sans doute le film sera lui aussi une transition dans la belle filmographie du cinéaste, fantaisie qui se regarde sans déplaisir mais laisse le sentiment que son auteur n’a pas forcé son talent. Quitte à attendre un peu plus longtemps, on espère sortir du prochain Podalydès en s’écriant : Wahou !, il est de retour.
Bande-annonce
7 juin 2023 – De et avec Bruno Podalydès, Karin Viard et Sabine Azéma.