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WATCHMEN – LES GARDIENS

Aventure à la fois complexe et mystérieuse sur plusieurs niveaux, « Watchmen – Les Gardiens » – se passe dans une Amérique alternative de 1985 où les super-héros font partie du quotidien et où l’Horloge de l’Apocalypse -symbole de la tension entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique- indique en permanence minuit moins cinq. Lorsque l’un de ses anciens collègues est assassiné, Rorschach, un justicier masqué un peu à plat mais non moins déterminé, va découvrir un complot qui menace de tuer et de discréditer tous les super-héros du passé et du présent…

Apocalypse now

Nous respirons plus que jamais l’air de la fiction, du fantasme et de la dystopie, qui prennent d’assaut notre imaginaire : grâce (ou à faute ?) d’un univers foisonnant, de ce « quelque chose » qui nous dépasse, ou qui nous fait nous dépasser, cette fresque super-héroïque qui s’étend désormais depuis la Première Guerre Mondiale. Si chez Marvel, Captain America dépeint un idéalisme patriotique qu’il est encore aujourd’hui difficile de défaire (l’iconisation est arrivée à son comble au terme de la phase trois du Marvel Cinematic Universe), leurs frères-ennemis de chez DC Comics ont toujours fièrement arboré un catalogue d’autant plus nuancé, dans la noirceur. Le terme « justice » en est d’ailleurs le mot d’ordre : Batman est un justicier malgré lui, malgré la peur qu’il insuffle ; la Justice League est loin d’être la bande d’Avengers rêvée par la population. Chez DC, les héros ne sont pas idolâtrés, ils sont redoutés, salvateurs dans la destruction. Il y a dix ans, Zack Snyder s’attaquait à ce qui semblait être un rêve de gosse. Inspiré des publications d’Alan Moore datant de la fin des années 80, Watchmen est arrivé dangeureusement dans les cartons d’Hollywood, révolutionnant et modernisant l’adaptation de comic-book. 

Des hommes ordinaires ?

La série originale, qui présente des « super-héros » éloignés de l’univers traditionnel de DC Comics, a toujours été félicitée pour son réalisme et sa passion pour le contemporain. Les Watchmen sont des hommes ordinaires, presque dépassés par leur époque, presque illégitimes. Il y a d’abord le Dr Manhattan, un être presque omniscient et omnipotent, issu d’un accident nucléaire en 1960. C’est l’arme absolue qui permet aux États-Unis de remporter la guerre du Viêt Nam, permettant à Richard Nixon d’être réélu sans discontinuité depuis 1968 jusqu’au début du récit, en 1985. C’est un outil purement américain, bien loin du modèle d’exemple que peut représenter Steve Rogers. Alors que la Guerre froide atteint son paroxysme et que l’ombre d’une guerre nucléaire menace, le Comédien, un ancien super-héros, est mystérieusement assassiné. Dernier justicier encore actif, Rorschach décide de mener l’enquête. 

De ce point de départ, Snyder prend tout les risques : une introduction de dix minutes avec en fond sonore du Bob Dylan et un montage historique à couper le souffle, beaucoup de philosophie et peu d’action, à défaut d’une violence exubérante – pour le coup, l’aspect « comics » est ici généreusement respecté. Dans une atmosphère de fin du monde, le cinéaste est dans son élément et nous a présenté le film en pleine apogée (l’après Watchmen sera parfois tout aussi brillant mais surtout composé de frustrations). Il y a ce désespoir, si cher à l’univers DC, qui se contracte jusque dans la moelle de Watchmen : la nuit règne, la palette de couleurs domine dans les tons froids, la réalisation est ample, majestueuse et d’une poésie stellaire. Une prouesse, pour une production de ce genre (dans le moule du blockbuster), avec un tel budget (près de 100 millions de dollars) et un tel sens de la narration, lancinant et contemplatif. Watchmen est aussi le film ultime de l’ère super-héroïque de DC Comics. Plusieurs années plus tard, la Justice League ne frôlera pas l’once de génie de cette œuvre.

Mesures désespérées pour des temps désespérants ?

Le film fut certainement pour Snyder une porte ouverte vers d’autres horizons plus ou moins similaires – il se chargera de bâtir les fondations du DC Universe, malgré les embûches et un rapport difficile avec le public – mais aussi une preuve que nous avions, à l’époque, affaire à un visionnaire. Un auteur unique qui mettra la main dans l’art du blockbuster pour en délivrer les plus beaux tableaux. Il y a dix ans sortait l’une des adaptations de comics les plus audacieuses et réussies, à des millénaires du conformisme de Marvel, à l’époque où tout (ou presque) était permis à l’écran quand il s’agissait d’hommes, ou de femmes, à capes. Dix ans après, une série est sur le point d’être présentée par HBO et Damon Lindelof (The Leftovers, entre autres) et l’héritage est lourd de sens. En ces temps sombres et désemparés, les Watchmen reviennent plus populaires que jamais. Des figures qui ré-apparaissent au cours des moments les plus cruciaux de notre civilisation.



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