WATCHMEN
NB : nous n’avons eu accès qu’aux six premiers épisodes sur les neuf prévus ; cet avis ne vaut donc pas pour l’ensemble de la saison. Aussi, les épisodes 3 à 6 étant des work in progress sur l’aspect technique et sonore, difficile de parler de ces aspects ici (même si la forme est de qualité).
Watchmen ! L’évocation de ce nom suffit à faire entrer les connaisseurs et les néophytes du 9e Art en transe, tant le comics d’Alan Moore, John Higgins et Dave Gibbons est un classique intemporel. Après Zack Snyder en 2009, c’est au tour de Damon Lindelof (Lost et The Leftovers) (co-scénariste de Prometheus aussi, comme quoi personne n’est parfait) de s’inspirer de l’univers développé par le duo anglais ; mais à la différence du film qui adaptait la trame et l’esthétique du comics, Lindelof a choisi de développer une intrigue originale dans l’univers de Watchmen, quelques années après les événements de la bande dessinée. Un partis pris qui lui permet de développer plus facilement ses thèmes de prédilection tout en évitant une confrontation directe avec la narration particulièrement tortueuse et dense d’Alan Moore.
Notre avis
Que retenir de ces six premières heures ? Pour résumer grossièrement la chose, Watchmen (la série) est une bien meilleure adaptation de Watchmen (le comics) que ne l’était Watchmen (le film) par rapport à ce dernier. Cela peut sembler paradoxal vu que la série ne se rapporte que rarement au comics, mais là où Snyder idéalisait Rorschach en négligeant son idéologie, Lindelof et son équipe de scénaristes mettent cette dernière au centre de leur série : l’émergence d’un nouveau KKK basé sur la figure de l’ancien super-héros ravive les tensions raciales endormies jusqu’ici dans tout le pays, notamment en Oklahoma où l’émeute raciste de Tulsa (1921) est le point de départ narratif de la saison, que ce soit dans le traumatisme vécu par un jeune garçon ou le poids du souvenir qui pèse sur leurs successeurs, dans un milieu hypocrite et cynique où rien ne semble avoir changé.
Ce conflit racial est la toile de fond sociopolitique de cette itération de Watchmen, ce qui lui donne un intérêt certain par rapport aux deux autres œuvres qui lui sont liées ; et son traitement frontal, quoiqu’un peu trop rapide par moment, a le mérite d’être crédible, révoltant et poignant. C’est sûrement ce qui risque de diviser le plus le public, notamment celui qui a découvert la licence via le film ; quant aux fans du comics, l’absence de fan-service, à quelques exceptions près (le jeu de couleurs, les Minutemen, des références à l’intrigue du comics au détour d’une conversation), peut aussi les mécontenter – même si ce point est très positif, la série se créant de fait son propre univers. Watchmen surprend et désarçonne, mais la cohérence de son univers et la qualité de son écriture balaient les quelques réserves émises devant les premières minutes de la série.
Succès critique et/ou public ?
Difficile de prévoir le succès public de la série au vu de ces six épisodes, et donc par extension sa longueur, ainsi que les objectifs d’HBO quant à la série. Si Lindelof avait pu mener sa barque cahin-caha sur Lost, The Leftovers avait été raboté de trois saisons sur le plan initial par la chaîne câblée, du fait d’audiences médiocres (hélas). Watchmen étant une licence importante dans le catalogue de Warner, cette dernière demandera sûrement un retour sur investissement à la hauteur de ses attentes, dans un contexte où elle doit trouver son Game of Thrones des années 2020 pour concurrencer Netflix et consorts. On n’en prend pas la direction ici ; mais l’ambition politique et narrative de la série doit être soutenue par ses financeurs. HBO a besoin de séries de prestige ; faire subir à Watchmen le même destin que Carnivale serait une erreur colossale.