YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS
Youssef Salem, 45 ans, a toujours réussi à rater sa carrière d’écrivain. Mais les ennuis commencent lorsque son nouveau roman rencontre le succès car Youssef n’a pas pu s’empêcher de s’inspirer des siens, pour le meilleur, et surtout pour le pire. Il doit maintenant éviter à tout prix que son livre ne tombe entre les mains de sa famille…
Critique du film
Près de huit ans après Je suis à vous tout de suite, Baya Kasmi réalise une nouvelle comédie, co-écrite de nouveau avec Michel Leclerc, avec des éléments communs assez évidents. On retrouve tout d’abord Ramzy Bedia, épicier social dans le premier film, qui occupe le premier rôle de Youssef Salem a du succès, écrivain qui réussit enfin à percer dans ce milieu si particulier que la cinéaste s’amuse à tourner en dérision. La première bonne idée du film est cette introduction, sorte de film dans le film, où le roman de Youssef prend vie sous nos yeux, constituant le réel jusqu’à ce que la véritable nature du film se dévoile enfin, au-delà de la narration fantasmée qui va empoisonner les relations de l’écrivain avec sa famille.
Une grande partie du registre comique est contenue dans ce camouflage permanent de l’histoire de ce premier roman, qu’il dit complètement inventé, mais qui s’avère pourtant être très proche de l’histoire des membres de sa famille. À 45 ans, Youssef a tout de l’adolescent qui refuse de vieillir, vivant seul à Paris, n’osant pas affronter ses parents et leur exigence sur ce que doit être sa vie. Ce double-jeu permanent est à la fois un ressort tout ce qu’il y a de plus classique dans la comédie, mais aussi un levier des plus efficace pour rythmer un film et le faire avancer à travers gags et situations inconfortables qui vont mettre à rude épreuve l’écrivain qui se débat pour ne pas traumatiser ce père qu’il admire tant.
Dès lors, on remarque deux points qui permettent à Youssef Salem a du succès un dépassement de fonction salutaire, gommant par la même occasion les facilités d’écriture qu’on pourrait relever, notamment dans les dialogues et scènes montrant l’univers de la littérature parisienne. Tout d’abord, on remarque un arrière-goût de tristesse qui colle à la peau de ce personnage, qui, s’il est drôle, contient cette fameuse once de désespoir propre à tous les grands comiques. Youssef a perdu l’amour de sa vie, et semble plus seul que jamais dans sa quête de devenir un grand auteur publié. Si le succès présenté dans le titre est enfin là, il ne peut jamais réellement en profiter, empêtré dans ses difficultés familiales, et l’argent ne suit pas la notoriété.
Ensuite, il est assez amusant de constater toute l’ironie disséminée par Baya Kasmi dans certaines des séquences du film, notamment pendant celle de l’émission télévisée où Youssef se laisse emporter et déclenche une polémique à cause de propos débités sans retenue. L’homme a des racines algériennes, il est perpétuellement confronté à cela, que ce soit par la société ou sa famille, mais il semble assez éloigné de ces questions d’identité. Ce décalage crée non seulement des moments loufoques comme celui de la scène déjà citée, mais aussi un pas de côté vis-à-vis de ce type de débat qui enferme les personnes dans des cases pas toujours souhaitées.
Cette façon de confronter les stéréotypes à une forme d’indifférence toute simple, sans porter de jugement sur les différentes forces en présence, est un des aspects qui rendent plus sympathique le film. Baya Kasmi semble dire par le biais de Youssef une forme de lassitude à répondre à des schémas étouffants, tournant en dérision les clichés autour de ce que doit être une famille arabe dans la société française. La douceur du personnage et son besoin constant de ne pas faire de mal à ses aînés renforce ce sentiment de bienveillance ressenti pendant plus d’une heure et demi.
Comédie légère qui s’amuse à tourner en ridicule de nombreux aspects du contemporain, notamment par le biais du personnage joué par Lyes Salem en candidat star de télé-réalité, Youssef Salem a du succès a peut être juste le défaut d’être trop gentil, notamment dans une fin qui veut arrondir tous les angles, jusqu’à peut-être l’excès. Malgré tout le contrat du film, tout en finesse et en rondeur fonctionne merveilleusement bien, avec un Ramzy Bedia convaincant et touchant.
Bande-annonce
18 janvier 2023 – De Baya Kasmi, avec Ramzy Bedia, Noémie Lvovsky et Melha Bedia.