ZERO DARK THIRTY
Après les attentats du 11 septembre, une unité des forces spéciales américaines met tout en oeuvre pour débusquer et neutraliser Oussama Ben Laden. En 2003, Maya, jeune agente fraîchement recrutée par la CIA, est dépêchée au Pakistan, où elle collabore étroitement avec des agents spécialisés. La traque, menée dans le plus grand secret, s’avère longue, difficile et hasardeuse. Ce n’est qu’en 2011 que des renseignements permettent de localiser le terroriste.
Ennemi d’état
Toute personne âgée de 30 ans et plus se souvient avec précision d’où elle était et de ce qu’elle faisait le 11 septembre 2001, quand les médias ont relaté ce qui se passait à New York, tant l’effet de sidération fut grand, et tant l’événement constitua une déflagration qui fit voler en éclats bien des illusions.
Ces attentats du 11 septembre 2001 sont évoqués dès le début de Zero dark thirty par des archives sonores sur fond noir : on ne voit pas ces images vues et revues à la télévision ou sur internet. Il existe sûrement plusieurs raisons à ce choix de mise en scène, ce qu’on décide de ne pas montrer étant aussi important que ce qu’on montre. Outre le fait qu’on a vu en boucle ces images, et que cela ajoute à la force émotionnelle, cette option est peut-être aussi révélatrice du traumatisme toujours aussi fort au moment de la conception du film, un peu plus de dix ans après les attentats. Dans un monde et une époque saturés d’images, une bande sonore sur fond noir peut évoquer l’indicible avec plus d’intensité.
Controverses
Zero dark thirty a été tourné quelques années après les attentats et seulement quelques mois après l’exécution d’Oussama Ben Laden, après une traque de près de dix ans. On peut parler de film dossier, tant il est documenté, précis. Cela ne manqua d’ailleurs pas de créer une polémique aux Etats-Unis, car Leon Panetta, ancien directeur de la CIA, aurait fourni pour l’élaboration du long métrage des documents classifiés.
L’autre controverse liée à Zero dark thirty réside bien sûr dans la torture et la représentation qui est faite des techniques d’interrogatoire utilisées par les Américains, dont le waterboarding, des méthodes d’humiliation et des sévices, assimilables à de l’apologie de la torture. Si le film ne justifie pas ces méthodes, il ne les occulte pas, faisant l’objet de scènes assez détaillées, mais filmées cliniquement, sans complaisance. Kathryn Bigelow montre ce qui existe. Comme ces centres de détention disséminés dans différents pays, prisons non officielles où sont retenus et interrogés les suspects.
La traque
On n’éprouve que peu d’empathie pour les personnages. Plutôt la tension et le marasme dans lesquels se débattent des individus en proie à un monde en guerre. Une guerre sans fin. L’opération montée pour tuer Oussama Ben Laden, qui dure à l’écran plus d’une demi heure, est un modèle de mise en scène et de montage exécutés au scalpel, sans temps mort.
Mais Zero Dark Thirty se distingue aussi dans ce qu’il raconte de la détermination d’une femme dans un milieu d’hommes – comme une analogie de la réalisatrice, Kathryn Bigelow, évoluant dans un monde plutôt machiste à Hollywood, ce qui ne l’empêche pas d’être l’une des cinéastes les plus influentes de ce monde. Zero dark thirty doit beaucoup à ce portrait de femme que joue Jessica Chastain avec le talent et la prestance qu’on lui connait.
Même s’il peut soulever des réserves, le film a le mérite de susciter des questions et de relater avec un luxe de détails assez rare une traque qui a duré une dizaine d’années. A la fois film dossier et film de guerre moderne, Zero dark thirty maintient durant plus de deux heures et demi un suspens d’une très grande intensité – alors qu’on connaît déjà l’issue de cette quête – et constitue un des films très marquants de l’année 2013.
#LBDM10ANS