DIANE ROUXEL | Interview
Révélée chez Larry Clark, Diane Rouxel a rapidement confirmé sous la caméra d’Emmanuelle Bercot (La tête haute) et Bertrand Mandico (Les garçons sauvages). En cette fin d’été, elle se retrouve tête d’affiche d’un drame social et thriller psychologique très réussi, La terre des hommes de Naël Marandin, qu’elle porte brillamment sur ses épaules en incarnant Constance, une jeune fermière déterminée à concrétiser son projet agricole. Après quelques reports liés à la crise sanitaire, le long-métrage arrive enfin en salle. Nous avons pu rencontrer la comédienne à quelques heures de cette délivrance…
Comment avez-vous préparé et appréhendé votre rôle de Constance ?
Diane : Avec Finnegan (Oldfield, son partenaire à l’écran – ndr), nous avons passé du temps chez des éleveurs que connait Naël (Marandin, le réalisateur – ndr) afin de découvrir cet univers et nous habituer à la présence des vaches dans l’enclos, savoir comment leur parler et les déplacer, les tenir et en apprendre sur leur métier. Cela fait partie des éléments qui m’ont attirée à faire ce film. Nous n’étions pas particulièrement à l’aise au début mais c’est venu assez vite.
Pour ce qui est de la dimension psychologique, ce fut assez instinctif sur le tournage. Ce fut le rôle qui m’a le plus marquée émotionnellement. Je rentrais certains soirs épuisée de ma journée car j’avais du me mettre dans des états impossibles…
Aviez-vous des interrogations, des doutes, quant à la façon dont serait dépeinte Sylvain, comment les scènes clés seraient mises en scène ?
Nous nous sommes vus régulièrement avant le tournage, nous avons discuté du personnage, de la relation avec Sylvain. C’est quelque chose de très fin. Nous avons fait des essais. Les scènes étaient écrites et préparées très précisément car cette relation est faite de non-dits et de regards. Cela met en confiance et en sécurité d’être dans cette précision, encadrés. Cela laissait tout de même place à des propositions, selon les prises. Tant que l’enjeu restait clair et que l’on était sûrs que la scène transmettait nos intentions sans équivoque.
Effectivement, le film ne livre pas clés en mains mais donne des indications sur Claire et ce qu’elle ressent.
Elle a toujours su prendre sa vie en mains, aller au bout des choses. Son rêve est de reprendre cette ferme, elle veut y arriver coûte que coûte. Mais elle est finalement dépassée par ce qui lui arrive, elle n’en a pas forcément conscience. Si on lui posait la question, elle ne saurait verbaliser ce qu’elle a vécu lors de ce moment où il la viole…
Pourtant, juste après, elle a encore l’impression qu’elle peut maitriser la situation. Ce que je trouve fort dans ce film et ce personnage, c’est qu’il montre comment même une fille déterminée et sûre d’elle peut se retrouver dans cette situation.
Au-delà de ce premier sujet très fort de la main mise des hommes dans cet univers, il y a également dans La terre des hommes un bel hommage au travail de la terre. On peut voir Constance et Bruno comme des exemples de cette génération qui souhaite désormais dans une démarche éthique quant au respect de la nature et des animaux. Avez-vous été sensible à cette démarche chez votre personnage ?
C’est un autre sujet très actuel. C’est un environnement qui m’était peu familier et c’était attirant pour moi d’en apprendre énormément sur ce milieu. Ce film m’a permis de m’éveiller sur ces sujets-là.
Votre belle carrière de cinéma n’en est qu’à ses premiers chapitres, pouvez-nous nous raconter comment est la vie d’une jeune actrice ?
Déjà, j’ai très envie de continuer à jouer. Je suis consciente que ce n’est pas quelque chose que l’on peut maitriser totalement. Nous sommes dépendants du désir des réalisateurs. Je m’intéresse à énormément de choses à côté du cinéma mais j’ai vraiment envie de continuer à en faire le coeur de ma vie.
Vos nombreux rôles salués par la critique ou nommés aux César vous ont-ils offert plus de facilité ? Vient-on désormais vous chercher, faites-vous toujours un majorité de castings ?
Cette reconnaissance m’a mise davantage en confiance. Quand on ne tourne pas, cela peut nous arriver de douter. Ces distinctions, ou les bonnes critiques, cela rebooste et donne de la légitimité. Quand j’ai fait mon premier film, avec Larry Clark, j’avais envie d’être actrice mais cela me paraissait inaccessible. Lorsque j’ai eu cette opportunité, j’ai arrêté la fac pour me donner une chance de réussir, coûte que coûte, en m’y consacrant pleinement pendant deux ou trois ans. Après ce casting sauvage, le fait d’avoir été choisie pour La tête haute m’a rassurée parce que j’étais face à d’autres actrices, j’ai traversé tout le processus de casting et j’ai eu le sentiment de n’avoir rien volé. Je me rappellerai toujours le moment où l’on m’a annoncé que j’étais prise. C’était rassurant, cette fois-ci on ne m’avait pas choisie juste parce que je savais bien faire du skate ! (elle sourit)
Même si on me propose de belles choses, il faut continuer à faire des castings. Ce n’est pas vraiment ma tasse de thé, je ne suis pas sûre d’être toujours très bonne dans cet exercice. Et puis il y a aussi ce côté où il faut qu’il y ait une intuition, que l’on corresponde à la recherche du réalisateur pour le personnage…
Quel regard portez-vous sur vos premiers rôles, votre parcours ?
Je suis plutôt fière des films que j’ai pu faire jusqu’à présent. Je n’en regrette aucun, j’ai fait de très belles rencontres, j’ai partagé des moments forts et pu travailler avec des réalisateurs avec lesquels j’adorerais retravailler. Mais je suis consciente du chemin que j’ai fait depuis le film de Larry Clark, je me sens plus libre de dire quand je ne suis pas à l’aise avec quelque chose. J’ai pu auparavant me retrouver dans des situations plus inconfortables pour moi…
Avez-vous des cinéastes français ou étrangers avec qui vous aimeriez particulièrement travailler ?
Il y a en a tellement que je ne sais jamais quoi répondre. Mais j’aimerais beaucoup avoir l’opportunité de jouer en anglais. Il y a beaucoup de cinéastes anglais pour qui j’adorerais tourner, même s’ils peuvent paraitre inaccessibles, comme Jim Jarmusch… Et puis j’aimerais énormément m’essayer à la comédie, dans un registre un peu absurde à la Quentin Dupieux, Alain Chabat…
J’ai eu de la chance de tourner chez Mandico qui m’a permis de vivre une expérience hors du commun, tant pour mon personnage que le faire de tourner à la pellicule…
Propos recueillis et édités par Thomas Périllon pour Le Bleu du Miroir