EDEN
Au début des années 90, la musique électronique française est en pleine effervescence. Paul, un DJ, fait ses premiers pas dans le milieu de la nuit parisienne et créé avec son meilleur ami le duo «Cheers». Ils trouveront leur public et joueront dans les plus grands clubs de la capitale. C’est le début pour eux d’une ascension euphorique, vertigineuse, dangereuse et éphémère. C’est aussi le parcours sentimental d’un jeune homme qui accumule les histoires d’amour et qui n’arrive pas à construire.
Enter the void.
Après trois films, dont le joli Un amour de jeunesse, Mia Hansen-Løve a acquis un statut de cinéaste prometteuse. Pour son quatrième métrage, la jeune femme a opté pour l’autobiographique. Celle-ci a en effet choisi de raconter l’histoire de son frère, Sven, DJ de la French Touch resté dans l’ombre des célèbres Daft Punk. Le musicien, tout de même renommé dans le monde de la « House Garage » (genre musical apparu au début des années 80 sur la côte Est américaine), a fort logiquement participé à l’écriture du scénario avec sa soeur.
Réaliser un film sur l’émergence de la scène électronique des 90s pouvait se révéler intéressant. Malheureusement, telle une Sofia Coppola hexagonale, Mia Hansen-Løve livre une oeuvre plate et complètement banale. De ce vécu personnel, la réalisatrice n’a pas grand chose à raconter si ce n’est une histoire qui pourrait se résumer en quelques lignes : « j’ai un frère, il a voulu devenir DJ, il a voyagé et couché, il s’est drogué et s’est perdu dans ce microcosme parisiano-new-yorkais avant de prendre du recul et quitter ce monde-là ». Si l’auteur d’Eden souhaitait dresser le portrait d’une génération, alors celui-ci est particulièrement raté et/ou insignifiant. À moins que face à une matière aussi pauvre, celle-ci n’ait jamais réussi à apporter une touche de romanesque à son odyssée de l’échec.
Dénué de tout intérêt dramaturgique, Eden est un enchaînement soporifique et artistiquement déprimant de scènes musicales ratées et d’errances sentimentales. Un biopic insipide tournant à vide, laissant le spectateur en retrait pendant plus de deux heures. Un conseil : restez chez vous et ressortez quelques vieux tubes de Daft Punk.
La fiche
EDEN
Réalisé par Mia Hansen-Løve
Avec Félix de Givry, Pauline Etienne, Hugo Conzelmann…
France – Biopic anyonyme
Sortie en salles : 19 Novembre 2014
Durée : 131 min
T’es un peu dur là. Ça mérite quand même pas un 1…
Puisque tu insistes, je mets 2. Mais franchement, je ne vois pas grand chose à sauver. Ecriture des personnages et dialogues très pauvres, narrativement c’est le néant, c’est un enchainement de scènes de fiestas bien tristounet, le montage n’est pas fameux, l’éclairage de certaines scènes est raté… et on s’ennuie ferme pendant 2h. Sérieusement, je ne trouve rien de positif à en dire.
Je suis globalement d’accord avec toi, sauf sur une chose, ce film ne peut pas être comparé avec du Sofia Coppola !
On peut ne pas aimer le style de Sofia Coppola (qui n’est absolument pas plat et banal, au passage 😉 ), mais ses films sont écrits, possèdent une structure narrative, une cohérence dramaturgique, des personnages travaillés, et elle sait diriger ses acteurs et possède un sens du cadre et du montage. Rien à voir donc avec ce « Eden » !
Bon, j’vais être obligé de jouer les vieux cons là.
Cette chronique me fout les boules, parce que j’ai l’impression qu’elle est aussi vide que le film décrit. Mia n’a rien à raconter ? C’est tout le contraire. Je n’ai pas vu le temps passer, tout simplement parce qu’elle a réussie à saisir l’essence même des soirées électroniques, de l’effet que peut faire ce genre de musique… Je suis le nez dedans depuis tout petit, j’ai ressenti l’effet que pouvait faire l’arrivée des musiques anglaises tout comme je me souviens encore de la sortie de Discovery des Daft en 2001.
Traiter justement du cas de son frère est une bonne chose, car elle permet de mettre en relief son évolution face à celle des Daft qui plane durant tout le film. Elle rend hommage aux vrais DJ, ceux qui restent eux-même, quitte à sombrer dans un milieu qui a trop vite évolué.
Le film est très intelligent sur toutes ces questions, sur toute cette évolution du DJing et de son rapport au public ou à l’argent. Alors oui, j’admets comme tout le monde que Félix de Givry n’est pas un grand acteur, mais ça ne change pas grand chose. C’est un film banal, sur un univers qui ne l’est pas. Et la musique suffit à se laisser emporter.
Sans vouloir paraître désobligeant, je me demande si la moitié des critiques négatives connaissent l’univers de l’électroniques, des soirées etc…
Non, tu as le droit de donner ton avis sur le film, comme sur ma chronique. Toutefois, je trouve que c’est un film d’une banalité épouvantable. Il n’y a rien d’intéressant sur le plan psychologique – l’écriture des personnages est TELLEMENT pauvre – et l’histoire de cet échec manque particulièrement de force. Je suis désolé Florent mais je réitère : il n’y a dans ce film qu’une illustration visuelle d’une histoire bien faible. Faire du cinéma, ce n’est pas juste mettre en images quelque chose, c’est y mettre de l’âme, un souffle romanesque, instaurer une narration, impliquer le spectateur, lui offrir des émotions, fouiller un peu son sujet… Dans EDEN, tout est superficiel.
Peut-être que l’univers te plait, c’est tant mieux. Mais faut-il connaître un univers pour juger un film sur ses qualités et ses défauts (techniques, d’écriture…) ? Je ne crois pas. Car si on suit ton argument, quels films sommes-nous à même de juger ?
Je trouve que le film tourne à vide, enchaîne les clichés et les scènes artificielles. Les acteurs jouent mal mais on ne peut pas leur en vouloir, ils n’ont pas l’air d’avoir été beaucoup guidés. Non, définitivement, quitte à être têtu, je ne lui trouve quasiment aucune qualité. Pourtant, je ne le fais pas de gaité de coeur car j’aimais jusqu’à présent le travail de MHL.
Bonne journée, vieux con ou pas 🙂
Merci pour ta réponse 🙂
Non il est clair que je me fais clairement l’avocat du diable sur ce film que je défendrais corps et âme. Et justement, je trouve qu’il en a une très visible. Si après on ne la voit pas tant pis… Mais ça me désole de voir quand même beaucoup de critiques jugeant le film plus sur son aspect que comme un manifeste envers un style musical et son aspect créatif. Certains attendaient même un biopic… mais en quoi ça aurait été beaucoup mieux ?
Je crois surtout que la mentalité vis-à-vis de la musique électronique n’a toujours pas évoluée, en tout cas sur certains points. C’est sûr que le film n’a rien de transcendant, mais je pense que c’est cette simplicité qui fait sa force. Les DJ n’ont jamais eu une vie de folie, même les Daft ont tendance à la jouer « à la cool ». Ce n’est que la poudre aux yeux pour faire rêver quand on nous présente les Guetta et autres Tiestö qui rassemblent des millions de personnes dans des shows monumentaux.
Je pense que MHL a tout compris. Et que la narration va d’elle-même, on se laisse porter.
Je trouve pourtant que les personnages et la narration de Somewhere sont aussi pauvres que ceux d’Eden. Mais je sais que, de toute façon, nous ne nous accorderons pas sur ce film (même trois ans plus tard ^^). Au moins, nous sommes d’accord sur Eden, vivons dans le présent 🙂
Le problème que tu ne sembles pas voir c’est que ce n’est justement absolument pas « un manifeste envers un style musical et son aspect créatif ». Quid des scènes de création justement ?
Ce n’est absolument pas un film sur la musique, c’est un film raté sur les gens qui la font. La belle définition que donne Paul de ce qu’il aime dans la musique condamne d’emblée le film « un mélange d’euphorie et de mélancolie ». A peine cette phrase énoncée, le film semble marqué d’une sorte de fatalité et n’aura de cesse d’osciller de manière patapouf entre ces deux états : des scènes de fête ratée et désincarnée comme le dit Thom, des moments de mélancolie appuyés loin de l’aspect collection de souvenirs du film (le suicide du pote, les échecs amoureux, la drogue…).
Le problème du film c’est que ce n’est justement pas du tout une invitation à découvrir une période musicale mais plutôt un constat même pas nostalgique sur une période révolue.
Pour moi Thom ton 1/5 était bien senti.
Je ne peux que rejoindre cette argumentation. Ce n’est pas une question de méconnaissance d’une genre mais un problème artistique. Le film manque de tout : de chair, de narration, d’écriture des personnages, de souffle dramatique…
Petite précision pour ABERELES : c’était 1/10 que j’avais mis initialement.
Eh bien oui, le film est mélancolique et euphorique. Je vois pas le problème. C’est justement tout le message final, avec cette sorte de douce descente aux enfers.
Et le film rend hommage aux gens qui ont essayés de la faire vivre autrement cette musique. Malgré l’ombre planante des Daft. Des scènes de création, de tentatives d’analyse du son, tu en as. Mais la création se fait aussi dans la tête, dans le ressenti même de la chose.
Personnellement quand j’écoute de l’électro, je suis comme Paul à l’ouverture du générique. Je découvre un truc, je souris, j’appréhende la chose. C’est quelque chose de prenant. Et rien qu’essayer de la faire découvrir aux autres dans des fêtes « désincarnées » comme tu dis, c’est un véritable acte d’amoureux de l’électronique à mon sens. C’est pour ça que j’y vois un hommage réel.
@florian : je veux bien que tu y mettes du sens et que le film de MHL fasse écho à ton ressenti, à ton amour pour la musique et en particulier pour ce genre. Mais n’est-ce pas toi justement qui met ton vécu dans Eden ? Tu ressens un véritable enthousiasme pour la musique électro et je peux comprendre que le sujet te touche mais faire du cinéma n’est-ce pas justement insuffler et transmettre la fascination pour un sujet tant aux aficionados qu’aux néophytes ?
Pour moi, là où Eden pêche vraiment c’est qu’on ne ressent pas ce que tu décris au visionnage. Cette passion, ce désenchantement, sa ferveur créatrice, on ne la voit pas. Là où certains cinéastes ont pu me la faire ressentir (comme dans WHIPLASH récemment pour le jazz ou MONEYBALL pour le base-ball) alors que je n’y connais pas grand chose. Le cinéma doit être un vecteur d’émotions.
Il y a peut-être un peu de ça oui. C’est pour ça que je disais que son défaut était probablement de mettre un peu de côté un certain public.
Mais je pense que je préfère avoir un film comme Eden, qui ne semble pas faire de concessions particulières, plutôt qu’un film comme Moneyball ou des films ultra populaires qui useront d’une rythmique bien précise, de mécaniques bien rodées pour jouer sur l’émotion etc…
J’en sors tout juste (j’avais gagné des places gratos grâce au Bleu du Miroir !) et le moins que l’on puisse dire c’est que j’ai pas passé un super moment, j’ai trouvé ça assez naze. Peut-être pas totalement raté, mais franchement pas réussi. Le plus mauvais film de cette cinéaste dont j’ai aimé tous les précédents longs métrages.
J’ai trouvé ça looooong. J’ai eu un mal de chien à m’intéresser à la vie de ce si triste DJ, auquel je ne me suis jamais vraiment attaché. Le film ne dégage aucun souffle, aucune épaisseur, ou si peu… C’est assez vide, fade, laborieux, ce qui est très étonnant vu le passif de Mia Hansen Love, d’ordinaire si apte à faire naître l’émotion, et à croquer le portrait de jeunes personnages vivants.
Ce que Mia Hansen Love réussit le mieux, et peut-être ce qui l’intéresse le plus, au fond, c’est encore de nous montrer l’évolution d’une relation amoureuse à travers le temps, mais c’est finalement assez secondaire, et même ça, c’est du réchauffé…
Y’a deux trois belles choses et quelques passages réussis, mais c’est toujours anecdotique et fugace…
On a l’impression que Mia Hansen Love a essayé de nous dépeindre l' »histoire » de la « french touch » en même temps que le portrait/la vie d’un DJ sans réussite, et qu’elle a tristement échoué sur les deux tableaux. Triste !
Bonsoir Felix,
Merci d’être venu partager tes impressions après le visionnage. Je comprends ton amère déception, j’ai eu la même. Nous étions en droit d’attendre beaucoup mieux de MHL que ce biopic sans âme insuffisamment écrit, qui tourne à vide et ennuie deux heures durant.
Espérons qu’elle retrouvera l’inspiration sur un sujet moins perso.
À bientôt.
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