BILAN 2023 | « Sois belle et tais toi », un édito de la Bobinette Flingueuse
La Bobinette flingueuse est un cycle cinématographique ayant pour réflexion le féminisme, sous forme thématique, par le prisme du 7e art. À travers des œuvres réalisées par des femmes ou portant à l’écran des personnages féminins, la Bobinette flingueuse entend flinguer la loi de Moff et ses clichés, exploser le plafond de verre du grand écran et explorer les différentes notions de la féminité. À ce titre, et ne se refusant rien, la Bobinette flingueuse abordera à l’occasion la notion de genre afin de mettre en parallèle le traitement de la féminité et de la masculinité à l’écran. Une invitation queer qui prolonge les aspirations d’empowerment de la Bobinette flingueuse.
L’année des réalisatrices à la parole engagée qui dérange
Désobéir est un verbe que les femmes ont toujours conjugué. La création artistique en est d’ailleurs une forme : transgresser la loi du père, déjouer les normes contraignantes et anti-culturelles, refuser de reconnaitre les paramètres que la culture impose comme allant de soi ou exige que l’on sache interpréter… En définitive, déconstruire les injonctions, c’est vivre dans la résistance.
Résistance. Voilà le mot qui aux yeux d’autant de détracteurs aura qualifié les prises de parole de bien des réalisatrices de cette année 2023, singulièrement placée sous le signe de voix féminines engagées s’exprimant sans détours malgré celles et ceux cherchant à les faire taire.
Cette prise de parole aurait dû faire souffler un vent nouveau dans les salles obscures et sur les plateaux de tournage. Pourtant, l’impression douce-amère, qui aura sans cesse percé dans ce millésime de cinéma, n’aura jamais été aussi vive, surtout compte tenu de sa vendange particulièrement généreuse. De même, la sinusoïde de sentiments qui auront été les notres face au succès populaire de ces oeuvres, presque immédiatement contrecarrées par snobisme, lâcheté ou encore autoritarisme, nous aura fait passer par bien des émotions.
TRIE(ES)T SUR LE VOLET
En effet, les circonstances de 2023 ont été d’un cynisme sans précédent. Quand les Oscars sacraient le merveilleusement nommé Women Talking de Sarah Polley du meilleur scénario adapté, l’absence totale de femmes nommées aux César dans la catégorie de meilleure réalisation ne s’en fit ressentir que plus encore. Pourtant, ces femmes étaient bien présentes ce soir-là.
Que ce soit par l’intermédiaire de Virginie Efira dédiant son César de meilleure actrice à Alice Rohrwachter et Rebecca Zlotowski, ou encore d’Alice Diop défendant sa carrière entière de cinéaste malgré son Saint Omer récompensé en tant que meilleur premier film, elles ont fait le choix courageux de faire de la scène de l’Olympia une tribune, et de se soutenir mutuellement dans un magnifique élan de sororité, fussent-elles écourtées dans leur démarche par l’indélicatesse bien particulière de notes de musique couvrant la fin de leurs phrases, rappelant qu’en lieu et place de saluer ce que le cinéma français sait faire de mieux, l’Académie préfère penser forme plutôt que fond.
Tout aussi courageuse, voire héroïque en ce qu’elle fit de même sur la scène du Palais des Festivals, Justine Triet aura a elle seule illustré la figure d’une artiste consciente de ce qu’une opportunité d’être célébrée pour sa création, c’est aussi, et peut-être surtout, la chance de porter la voix de ceux qui ne sont pas toujours entendus. A celles.eux considérant son vibrant plaidoyer contre la marchandisation de la culture indigne, et suggérant à la réalisatrice de réfléchir à son rapport à la réalité, nous répondrons que la réalité est avant tout une sensation collective, et que la censure, quelle qu’elle soit, est une monstruosité.
Au banquet de la liberté et des droits, les femmes n’ont pas été invitées ; elles ont dû faire irruption, voler, démanteler et construire. À toutes les époques, elles se sont exprimées dans les milieux érudits et artistiques, bien que leurs exploits aient été occultés ou discrédités, et bien que cette prise de parole les ait mises en danger – parfois de mort. Mais contre la mort, de l’être qui pense et donc qui est, il y aura toujours la création. Et 2023 ne s’y est pas trompée : contre la violence de ceux qui intentent le coup fatal, elles seront, pour notre plus grande joie et notre plus grande fierté, toujours plus désobéissantes.