ELLE FANNING | Entretien
À l’occasion de la sortie française de The Neon Demon (le 8 Juin en salle) dont elle tient le rôle principal, nous avons rencontré la jeune comédienne Elle Fanning dans la capitale. Fraîche et spontanée, elle est revenue sur l’aventure cannoise et sur l’expérience de sa collaboration avec Nicolas Winding Refn.
Le Point Pop : Kristen Stewart a dit, à Cannes, qu’à de nombreuses reprises elle n’avait aucune idée de ce qu’allait être Personal Shopper. Avez-vous eu le même sentiment en tournant The Neon Demon avec Nicolas Winding Refn ?
Elle Fanning : Je pense que je savais toujours ce que serait The Neon Demon, à un certain degré. Ce n’est pas vraiment un film sur la mode, ou même un documentaire. Il s’agit de l’obsession qu’ont les gens à propos de la beauté et la complexité de ce sentiment. Je ne savais pas toujours où ce personnage me conduirait – surtout que nous avons tourné le film de façon chronologique. Sa transformation a même été plus noire que ce que l’on avait prévu. Nous avions le scénario, mais nous avons suivi également notre instinct. Avec Nicolas, nous étions embarqués dans cette même aventure. Jesse faisait partie de moi, elle me disait presque vers où la conduire…
Thomas Périllon* : Filmer dans l’ordre chronologique a-t-il renforcé ce sentiment d’instinct ou était-ce déroutant pour vous en tant qu’actrice, spécifiquement lorsque le scénario prenait une différente tournure ?
E. F. : Oui, surtout qu’à la moitié du tournage, Nicolas a débarqué en disant qu’il voulait changer la fin car il n’en était pas satisfait. Nous avons donc du trouver quelque chose d’autre. Je crois que cela devait se passer ainsi afin de comprendre qui était le « Neon demon ».
T. P. : Et quelle serait votre réponse ?
E. F. : Chacun peut en faire son interprétation. Pour moi, Jesse serait le Neon demon. Mais pendant longtemps, je me disais que c’était Los Angeles.
L. P. P. : Sharon Stone a toujours dit que Cannes avait changé sa carrière et l’avait fait passer dans une autre dimension médiatique. Comment avez-vous vécu la présentation officielle à Cannes ?
E. F. : Cannes fut un moment très spécial pour moi. Je venais de fêter mes dix-huit ans (le mois précédent) et le soir de la présentation du film à Cannes, j’aurais du être aux Etats-Unis pour mon bal de promo. Du coup, j’ai invité mon meilleur ami qui devait être mon cavalier… J’ai sûrement vécu la meilleure « prom night » possible ! Et puis c’était ma première fois à Cannes. J’en rêvais depuis longtemps et c’était quelque chose de spécial de venir pour défendre The Neon Demon. Entendre les réactions du public dans la salle, avec les rires ou les soupirs d’exaspération. Lorsque le générique de fin arrive, la salle était complètement silencieuse… C’était déstabilisant. Surtout que le matin-même, lors de sa présentation à la presse, le film avait suscité des réactions très vives : certains l’avaient hué, d’autres l’avaient férocement défendu. On anticipe tout ce qu’il va se passer, je n’avais jamais vécu cela. C’était terrifiant mais très excitant. Les réactions face au film nous ont beaucoup amusés, surtout que nous les avons réellement découvertes durant le gala AmFar où la fête était très « paillettes » et 70s disco, un peu comme dans The Neon Demon. Nous croisions des adolescents qui avaient découvert le film et l’avaient apprécié. C’était gratifiant de les voir heureux.
Nicolas créé une bulle de création dans laquelle on se sent en sécurité.
Nicolas Winding Refn intervient : Ce fut le moment culminant de cette édition du festival de Cannes. Nous avons assisté à la création d’une star (Elle Fanning). Nous l’avions déjà vécu avec Drive (pour Ryan Gosling). Nous faisons des films pour un public jeune. Et lors de cette troisième venue au festival, je me suis dit que « nous étions Cannes ».
L. P. P. : Vous apparaissez pour la première fois (avec The Neon Demon) comme un objet de désir. Votre corps est très sexualisé à l’écran. Avez-vous ressenti de l’inconfort à tourner certaines scènes ? Ou y avez-vous, au contraire, éprouvé du plaisir ?
E. F. : J’avais seize ans lorsque j’ai lu le scénario. Tout était bien calé. De mon point de vue, mon personnage (Jesse) n’est pas une victime. Je me suis inspirée de vidéos Youtube piochées un peu aléatoirement, où on voit ces aspirantes top-model en sous-vêtements. Cela fait partie de l’interprétation de ce personnage et tout avait été évoqué précédemment avec Nicolas et la production donc il n’y a eu aucun souci pour que cela reste dans le cadre de la loi (du fait que j’étais mineure). Nic créé une bulle de création très sécurisante. Même si nous changions régulièrement les scènes, j’étais complètement libre de refuser telle ou telle proposition artistique de sa part.
NB : Cette question révèle quelques éléments de l’intrigue. <spoilers>
LBDC* : Qu’avez-vous pensé à la lecture du scénario lorsque vous avez découvert le sort réservé à votre personnage à la fin du film ?
E. F. : C’était assez inédit pour moi. Mais très excitant. Il faisait très froid la nuit où nous avons tourné cette dernière scène. Comme il s’agissait de mon dernier jour sur le plateau, cela signifiait aussi la fin de cette aventure. Honnêtement, plus j’avançais dans le tournage du film, plus cette fin me paraissait justifiée au regard de l’évolution de mon personnage. Elle devait s’en aller. Peut-être qu’elle renaîtra sous une autre forme, qu’elle apparaîtra dans un univers parallèle… (rires)
L.B.D.C. : C’est une excellente idée de suite.
N. W. R. répond : On va travailler là-dessus !
Bel entretien. Espérons qu’Elle Fanning ne succombe pas elle-même aux dérives du Neon Demon !