TLMDM2019

FESTIVAL | Toute la mémoire du monde

Sept années déjà que le festival Toute la mémoire du monde célèbre le cinéma de patrimoine à la Cinémathèque française. La formule est simple : des films restaurés projetés au sein de cycles thématiques rigoureux, un parrain de l’édition, célébré par une rétrospective, une masterclass et une nuit de films choisis par ses soins, et une foule de découvertes et merveilles dénichées sur tous les continents.

Cette année, Nicolas Winding Refn (Pusher, Drive) succède à Wim Wenders dans cet exercice, accompagné du grand réalisateur polonais Jerzy Skolimowski, dont plusieurs de ses films étaient devenus rares. C’est le cas notamment du Bateau-phare, film de 1985, le seul véritablement étasunien du réalisateur de Deep end, quasi-invisible depuis sa sortie. Il sera montré et présenté par Skolimowski en salle Langlois à la Cinémathèque française le 16 mars à 17h15, pour ce qui promet d’être un petit événement.

« L’événement NWR »

Cette affirmation vaut également pour les événements liés au réalisateur de The Neon demon (2017), se déroulant le samedi 16 là aussi, entre 19h30 et l’aube. Après la rituelle masterclass, ce ne sont pas moins de quatre films que présentera Refn. Sélectionnés et issus de sa collection personnelle, ce sont des coups de coeur restaurés qui agrémenteront la nuit. Tout d’abord trois films étasuniens des années 1960, Spring night, summer night (1967) de Joseph L. Anderson, montré dans son montage d’origine, puis Night Tide (1961) de Curtis Harrington, avec Dennis Hopper.

Seront ensuite montrés The maiden of fetish street (1966) de Saul Resnick, film perdu depuis plus de trente ans qui voit ici une renaissance en DCP grâce à des recherches du matériel existant, mais aussi le film mexicain Santo vs. Evil brain (1952) de Joselito Rodriguez, étrangeté gravitant autour de la figure mythique du catcheur Santo. A noter que ce film est une première car il représente la première restauration jamais effectuée d’un classique du genre au Mexique. Il semblerait également que cette nuit devrait receler une projection surprise, ce qui en général promet la découverte d’un film qu’on peut qualifier d’interdit, caché dans la programmation comme une friandise pour le spectateur. C’est tout le charme de ce type de nuit de cinéma, bordée de bandes-annonces tout aussi insolites, issues des collections de la Cinémathèque française, et de collations offertes pour l’occasion entre deux films.

Garrett Brown, inventeur de la fameuse steadycam, caméra portée popularisée notamment par le film Shining de Stanley Kubrick, tiendra sa masterclass le vendredi 15 mars à 19h30, suivi du film Rocky de John G. Advilsen.

« Amérique latine, MoMa et incunables »

L’un des temps forts de cette 7ème édition est sans conteste la présentation du cycle « Cinéma muet d’Amérique latine » dans la charmante petite salle de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé du boulevard des Gobelins. Toute la mémoire du monde est toujours l’opportunité d’explorer des territoires moins évidents du cinéma mondial. 2019 est l’occasion de se concentrer sur le cinéma latino-américain des premiers temps, qu’il soit brésilien, mexicain ou chilien. Toutes les séances seront à la fois présentées par Richard Peña, professeur de cinéma à l’université de Columbia aux Etats-Unis, mais aussi accompagnés musicalement au piano par les élèves de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel, du conservatoire National supérieur de musique et de danse de Paris.

Seul le film de Mario Peixoto, Limite (1929), sera projeté le mercredi 13 mars à la Cinémathèque française en salle Franju, à 19h45. Ce film est l’unique œuvre du poète brésilien, et fut célébrée en son temps par les plus grands artistes tel que Sergueï Eisenstein (Le cuirassé Potemkine) ou Orson Welles (Citizen Kane). Il fut presque invisible pendant un demi-siècle avant de resurgir dans les années 1980. L’histoire veut que Mario Peixoto lui-même avait caché son film, qu’il gardait précieusement, reclus sur une île. Cette séance très spéciale et incontournable, sera accompagnée au piano par Stephen Horne, grand spécialiste de ce type d’exercice, ayant officié au BFI londonien pendant une trentaine d’années.

Pierre Clementi

« Trésors de la MoMa et cycle Pierre Clementi »

Deux autres programmes viennent enrichir la programmation du festival, mettant à l’honneur tout à d’abord des films issus du département film de la MoMa (« museum of modern art »), haut lieu de la préservation de films de patrimoine basé à New-York. Dave Kehr, conservateur dans cette illustre institution, viendra présenter quelques perles, tant à la Cinémathèque qu’à la Filmothèque du quartier latin située rue Champollion dans le 5ème arrondissement de Paris. Si l’offre est pléthorique, notre attention est piquée par la présence de Paradis défendu de l’immense Ernst Lubitsch (Sérénade à trois, To be or not to be), film qu’il réalisa en 1924 avec l’actrice étasunienne d’origine polonaise Pola Negri, véritable star de l’époque du cinéma muet, au même titre que Greta Garbo. La présence de Never fear (1950) d’Ida Lupino est aussi une très bonne nouvelle. Actrice notamment pour Raoul Walsh dans La grande évasion, elle fut également une des rares femmes réalisatrices de l’âge d’or des studios hollywoodiens. Peu montrés, même en cinémathèques, c’est toujours une grande occasion de pouvoir voir et revoir ses films singuliers.

C’est ensuite le comédien Pierre Clémenti qui verra projeté ses films en tant que metteur en scène, à la fois son long-métrage, A l’ombre de la canaille bleue (1985), restauré sous la supervision de la monteuse du film Julie Safar, mais également tous ses courts-métrages, en partenariat avec l’institut audiovisuel de Monaco, au cinéma le Reflet Médicis.

« La galaxie foisonnante des incunables restaurés »

A l’écart des cycles autour d’un réalisateur, un cinéma national, ou un studio en particulier, pullulent les ciné-concerts d’œuvres qui en leur sein révèlent chaque année des merveilles insoupçonnées. Pour n’en citer que deux on retiendra les séances exceptionnelles de Keane d’Alexandre Volkoff (1924) avec l’immense acteur russe Ivan Mosjoukine, mais aussi de Silence (1926) de Rupert Julian avec Vera Reynolds. Ces deux films ont en commun d’être des fleurons de leur temps, la période du cinéma muet, et d’avoir plus ou moins disparus, jusqu’à devenir quasi invisibles depuis de longues années. Keane avait vu une restauration sublime, avec ses teintes d’origines, procédé consistant à peindre la pellicule avec une couleur restituant la tonalité de la scène, magie du muet inégalée en termes artistiques. La puissance et le brio de celui qui fut peut être le meilleur acteur de son temps, au sein des studios Albatros (composés de russes « blancs » exilés en France), ont fait de Kean un choc inoubliable. Silence et sa première scène, véritable leçon de mise en scène, restituant une préparation de gibet avant une pendaison, sur un tempo tel des battements de coeur du personnage principal, en avait également fait une projection marquante et délicieuse.

S’il est difficile de prédire quelle séance pourra atteindre ce niveau d’excellence et d’émotions brutes, quelques pistes s’offrent néanmoins à nous. Le marchand de poison de George Fitzmaurice (1916), film reconstitué à partir de fragments de négatif conservés au Filminstitutet de Suède, pourrait être sur les rangs pour constituer une de ses superbes surprises qui jonchent la sélection de cette année. Notons également les films de Léonce Perret, L’X noir (1915) et Le haleur (sous les étoiles) court-métrage de 1911, projetés au cours de la même séance, occasion exceptionnelle de pouvoir creuser la filmographie du réalisateur français de ce premier cinéma. La surprise et l’étrangeté seront peut être également au rendez-vous avec la restauration d’Une nuit à l’autre de Gustav Machaty, film tchèque de 1931, qui sera présenté par l’ancien directeur de la Cinémathèque, le toujours passionnant Dominique Païni.

Enfin, le ciné-concert de clôture, le dimanche soir, sera le fameux Golem de Carl Boese et Paul Wegener (1920) sur un accompagnement musical du groupe Forever Pavot, mêlant synthétiseur et instruments plus classiques comme le piano et l’orgue. Du cinéma de Nicolas Winding Refn aux ciné-concerts nombreux à l’étude du premier cinéma latino-américain si méconnu, c’est autant de pépites qui s’offriront à nous sur tous les sites de festival si important qu’est Toute la mémoire du monde. Il permet l’espace de quelques jours de rendre de nouveau vivants parmi les plus beaux films de ces plus de cent années de cinéma, leur redonnant leurs plus beaux atours grâce au travail de nombreux restaurateurs du monde entier.

Du 13 au 17 mars 2019 à Paris
Projections à la Cinémathèque française, 51 rue de Bercy 75012 Paris mais également :

au Christine 21, 4 rue Christine 75006 Paris (métro odéon ou St Michel ligne 4)

à l’Auditorium du musée du Louvre, accès métro Palais Royal (lignes 1 et 7)

à la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé, 73 avenue des Gobelins (métro Gobelins ligne 7)

à la Filmothèque, 9 rue Champollion (métros Cluny la sorbonne, Saint Michel, lignes 4 et 10)

au Reflet Médicis, 3 rue Champollion (même arrêts)

et enfin au Méliès, 12 place Jean Jaurès 93100 Montreuil (métro mairie de Montreuil ligne 9).


Les projections sont au tarif de 7€, et de 4€ pour les moins de 26 ans et les titulaires de la carte festival (elle-même vendu au tarif de 10€ l’unité). Le ciné-concert de clôture, les masterclass et la nuit NWR sont au tarif spécial de 13€ en plein tarif, 8€ avec la carte festival, et 6€ pour les libre pass de la Cinémathèque française. Le ciné-concert de l’Auditorium du Louvre est à 8€ en plein tarif, 4€ pour les moins de 26 ans, la carte festival et les libre pass. Important, les cartes habituellement acceptées dans chaque salle sont valables pour les séances du festival et donnent droit au tarif réduit dans les salles partenaires.


La grille horaire détaillée et exhaustive est à retrouver sur le site de la Cinémathèque française.