Dr_Jekyll_et_Sister_Hyde

HAMMER : 1970-1976 SEX & BLOOD

Fondée en 1934, mais ayant connu son véritable âge d’or dans les années 1950 à 1970, la compagnie Hammer Productions a connu de nombreux revirements depuis sa création – jusqu’à renaître de ses cendres dans les années 2000. Les films les plus célèbres produits par cette firme restent la série des Dracula de Terence Fischer avec Christopher Lee ou celle des Frankenstein, tournée en couleurs. Ces films, parfois méprisés en leur temps par la critique ont acquis une véritable reconnaissance avec les années. En novembre 2020, un coffret vidéo édité par Tamasa nous livrait une sélection de sept films de la période 1970-1976. Cinq de ces films ressortent actuellement dans les salles dans le cadre d’une rétrospective consacrée à la Hammer. La décennie évoquée marque pour beaucoup un déclin certain de la qualité des œuvres produites, mais ces rééditions peuvent permettre de les réévaluer.

Dans Les Cicatrices de Dracula de Roy Ward Baker (1970), on retrouve Christopher Lee dans le rôle du plus célèbre des vampires. Dès la première scène, qui voit le Comte ressusciter grâce au sang apporté par une chauve-souris, on entre dans l’univers de la Hammer : effets spéciaux parfois sommaires, manque de moyens évidents mais ces défauts disparaissent derrière l’ingéniosité et le talent du chef décorateur et du directeur de la photographie. Avec plus de sang et d’érotisme que dans les années 1960, Les Cicatrices de Dracula offre des moments très réussis visuellement comme la découverte des femmes du village massacrées dans l’église par les chauves-souris ou cette vision de Dracula, gravissant de façon surnaturelle la façade de son château.  

Les horreurs de Frankenstein

Les Horreurs de Frankenstein de Jimmy Sangster (1970) offre un curieux cocktail d’humour noir et d’horreur. Il s’agit du film considéré comme le pire des Frankenstein. Ce qui est sûrement injuste, mais qui est en partie dû au fait que le film paraissait trop irrévérencieux envers la tradition pour les fans des productions Hammer. Dans le rôle de Frankenstein, on découvre Ralph Bates, qu’on retrouvera dans Dr Jekyll et Sister Hyde et dans Sueur froide dans la nuit. Un acteur des productions Hammer qui livrait de très bonnes prestations. La créature est campée par David Prowse, futur interprète de Dark Vador dans la saga Star Wars. Un film qui a sûrement ouvert la voie à des films parodiques à venir comme celui de Mel Brooks : Frankenstein Jr. 

Docteur Jekyll et Sister Hyde de Roy Ward Baker (1971) constitue une intéressante variation sur le roman de Robert Louis Stevenson. Mais Le docteur Jekyll se transforme ici en femme d’une grande beauté, après avoir bu un élixir que le médecin a concocté à base d‘hormones féminines, prélevées sur des cadavres. Le film se passe à Whitechapel, quartier où eurent lieu les crimes de Jack L’éventreur et fait intervenir deux personnages authentiques : Burke et Hare, qui vécurent à Edimbourg dans la réalité mais qui fournissaient bien les médecins en cadavres. Cadavres qu’ils ne se contentaient pas de voler, puisqu’ils assassinaient eux-mêmes les personnes dont ils allaient vendre les dépouilles. Très vite la confusion sexuelle envahit le Docteur Jekyll, thème assez nouveau pour la Hammer à cette époque. Original, le film l’est aussi par le mélange qu’il fait entre le roman de Stevenson et des faits historiques.

Sueur froide dans la nuit

Avec Sueur froide dans la nuit de Jimmy Sangster (1972), on quitte le film d‘horreur pour l’angoisse, le thriller. Judy Geeson interprète une femme fragile, qui a fait une dépression et qui vient de mettre un terme à sa thérapie et qui prétend avoir été agressée. Son entourage ne semble pas la croire. Que s’est-il réellement passé ? Après avoir rejoint son mari, qu’lle ne connaît que depuis quatre mois, le jeune femme se fait agresser à nouveau. Mais n’est-ce pas une hallucination ? Sueur froide dans la nuit nous offre un beau suspense avec Peter Cushing en proviseur inquiétant, Ralph Bates dans le rôle de l’époux de la jeune femme et Joan Collins en femme perverse. Pas d’effet gore dans ce film, donc, mais une angoisse qui monte crescendo et une étrangeté diffuse.

Une Fille pour le diable de Peter Sykes (1976) est le dernier film fantastique produit par la Hammer avant de cesser temporairement son activité – juste avant un remake de Une Femme disparaît.Il vaut mieux que sa piètre réputation. En effet, le film souffre très certainement des réticences de l’auteur du roman, Dennis Wheatley, qui pensait que les outrances de la mise en scène ne rendaient pas justice à son travail littéraire. L’histoire surfe assez habilement sur le succès de plusieurs films sortis quelques années auparavant (Rosemary’s baby, L’Exorciste). D’autres romans de Dennis Wheatley avaient été adaptés par la Hammer : Le Peuple des abîmes et Les Vierges de Satan. Formellement le film offre des qualités certaines : la photographie de David Watkin restitue bien l’ambiance gothique de l’histoire. Certains plans, certains cadrages, donnent une image déformée, inquiétante. Richard Widmark, Denholm Elliott sont impeccables, tout comme Christopher Lee qui incarne un ecclésiastique satanique et Nastassja Kinski, dont c’était seulement la deuxième apparition à l’écran. 

Ces cinq rééditions, qui nous parviennent grâce à Tamasa, bénéficient d’un travail de restauration particulièrement soigné, les copies sont magnifiques et permettent de redécouvrir de façon optimale ces films de genre, au charme parfois suranné mais terriblement inventifs. Il demeure particulièrement intéressant de revoir ces films et de les réévaluer, la plupart de titres étant assez mal aimés dans la production Hammer, en profitant de restauration remarquable, avec de très belles copies qui respectent le grain d‘origine et rendent parfaitement justice au travail des chef-opérateurs de ces films, la photographie de ces œuvres constituant un atout majeur dans leur réussite. 

Bande-annonce

27 octobre 2021